Les scrutins locaux en Côte d’Ivoire, tour de chauffe avant la présidentielle de 2020
Les scrutins locaux en Côte d’Ivoire, tour de chauffe avant la présidentielle de 2020
Par Haby Niakaté (Abidjan)
Après l’éclatement de la coalition au pouvoir, les anciens alliés mesureront leurs forces, samedi, lors des élections municipales et régionales.
De gauche à droite : le président Alassane Ouattara, l’ancien chef d’Etat Henri Konan Bédié et le président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro. / AFP et Reuters
L’enjeu majeur des élections municipales et régionales qui doivent se dérouler samedi 13 octobre en Côte d’Ivoire se résume en une date : 2020. Ces scrutins sont en effet les derniers avant la présidentielle qui se tiendra dans deux ans et pourraient bien préfigurer cette dernière.
Cela, les états-majors de feue la coalition au pouvoir qui a éclaté en août, notamment le Rassemblement des républicains (RDR), du président Alassane Ouattara, et le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), de l’ancien chef de l’Etat Henri Konan Bédié, l’ont bien compris. Qui pèse quoi, aujourd’hui, auprès des 6,5 millions d’électeurs attendus aux urnes ? Lequel des deux ex-alliés, après presque huit ans au pouvoir ensemble, arrivera à mobiliser ses électeurs et où ?
Le RDR et ses alliés restants présentent 176 candidats aux municipales, contre 104 pour le PDCI. Des candidatures qui, même réunies, n’égalent pas celles des indépendants, au nombre de 389. Certes, plusieurs de ces prétendants officiellement sans étiquette sont des déçus du RDR et du PDCI qui ont décidé d’en découdre sans l’onction de leur parti respectif, mais ils comptent aussi un bon contingent de candidats soutenus, plus ou moins ouvertement, par le président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro. Autant dire que leurs performances seront scrutées de très près.
Affiche de campagne de Fabrice Sawegnon, candidat du RHDP dans la commune du Plateau, à Abidjan.
Quant au Front populaire ivoirien (FPI), de l’ex-président Laurent Gbagbo, qui dénonce depuis 2011 une Commission électorale indépendante (CEI) « illégale et illégitime », il boycotte les élections et « ne cautionne ni candidat ni parti ou groupement politique pour ces élections locales ». Si douze candidats FPI ont bien été répertoriés par la CEI, ils pèsent peu car sont majoritairement proches de l’ancien premier ministre Pascal Affi N’Guessan, le président contesté du FPI, quasi mutique depuis la libération en août de l’ex-première dame Simone Gbagbo.
Dérapages verbaux
Au-delà de cette « pesée » électorale, il s’agit pour chaque camp de conquérir le plus de mairies, aux budgets parfois conséquents, comme à Abidjan, et de conseils régionaux, dont les agents s’avéreront fort utiles pour le rabattement des troupes en 2020.
Autres enjeux : le bon déroulement de ce scrutin à un tour et l’acceptation des résultats. La campagne électorale, qui s’est déroulée dans une ambiance tendue, avec des communiqués de presse au ton de plus en plus épicé du PDCI dénonçant « les menaces, les violences et les attaques » et des dérapages verbaux répétés de ministres en campagne, promet des lendemains peu sereins.
« Tout a été mis en place pour que ce scrutin se déroule sans accroc, veut pourtant croire Gervais Coulibaly, vice-président de la CEI. Les élections se gagnent dans les urnes, pas ailleurs. Tous les candidats ont le droit à un représentant dans chaque bureau de vote, pour surveiller et assister au comptage des voix. Tous ont accès à la liste électorale et pourront rapidement transmettre les procès-verbaux à leur camp. Nous avons aussi accédé à leur demande d’interdire les téléphones portables dans les isoloirs pour éviter que les électeurs prennent en photo leur bulletin de vote afin de le monnayer ensuite. Bref, les candidats ont tous les moyens en main. »
Ce qui n’empêche pas certains candidats de craindre des fraudes lors de la première compilation des résultats au niveau des 577 commissions électorales locales.
Affiche de campagne de Jacques Ehouo, candidat du PDCI dans la commune du Plateau, à Abidjan.
Sécurité renforcée
« Le divorce entre les alliés d’hier a créé un nouvel environnement. Pour la première fois depuis longtemps, une majorité de candidats cherchent à avoir un scrutin transparent », explique Christophe Kouamé, président du comité exécutif de l’ONG Civis Côte d’Ivoire, qui a formé des dizaines d’observateurs indépendants, dont une partie ont été mis à disposition de candidats qui en manquaient.
Le gouvernement a pour sa part annoncé un renforcement du dispositif de sécurité dans des zones à risque, principalement là où d’anciens alliés s’affrontent. A Abidjan, évidemment, dans les communes du Plateau, Port-Bouët, Koumassi ou Abobo, mais aussi à l’intérieur du pays comme à Divo.
« Nous appelons à une observation citoyenne du scrutin, comme le permet l’article 39 de notre Code électoral, renchérit Christophe Kouamé. Que les Ivoiriens aillent en masse, ce samedi à partir de 17 heures, dans leurs bureaux de vote afin d’assister au dépouillement, smartphones à l’appui, et faire vivre au plus grand nombre, sur les réseaux sociaux notamment, la remontée des résultats. »