A Paris, Booba triomphe sans jamais passer le mur du son
A Paris, Booba triomphe sans jamais passer le mur du son
Par Stéphanie Binet
Dans une U Arena presque comble, le rappeur français, condamné à 18 mois de prison avec sursis pour une bagarre avec Kaaris, est resté sage.
Devant l’arrière d’un avion de chasse posé sur la longueur de la scène, Booba a célébré ses retrouvailles avec son public après son procès pour une bagarre avec son rival Kaaris dans l’aéroport d’Orly, le 1er août. Finalement condamné à 18 mois de prison avec sursis et 50 000 euros d’amende, le rappeur français jubile, samedi 13 octobre au soir, dans la plus grande salle d’Europe, la U Arena de Paris, presque pleine. « Merci d’être venus si nombreux, vous ne m’avez pas lâché ! », dit-il, répétant pendant tout le concert : « Nous sommes 40 000 ! »
Selon l’Agence France-Presse (AFP) toutefois, seuls 32 000 billets ont été vendus. L’espace réservé aux places VIP, vendues 200 euros, est en effet à moitié vite. Quoi qu’il en soit, Booba réalise une belle performance, devenant le premier rappeur français à rassembler autant de spectateurs en un concert.
Une scénographie efficace mais sans éclat
Bouteille de whisky à la main qu’il boit à même le goulot, Booba attrape de l’autre les drapeaux qu’on lui tend, l’Algérie, le Mali, reconnaît celui de l’Irak ou du Liban et brandit celui du Sénégal, le pays de son père. « Allez les Bleus, allez les Lions/Je suis un peu des deux », chante-t-il dans Friday, un des morceaux qui clôturera deux heures et quart d’un show à la scénographie efficace mais sans éclat. Neuf écrans verticaux, quelques effets sur l’image et un réacteur d’avion qui envoie des codes couleurs stéréotypés selon les thèmes : le rose pour Baby, son dernier tube, le bleu pour les morceaux gorgés de testostérone. Le réalisateur de ses clips, Chris Macari, ne le lâche pas d’une semelle et filme chacun des moments de liesse.
En début de concert, la voix rauque est assurée, la carrure imposante, le pas tranquille. Mais une fois la surprise passée, le concert s’essouffle. Booba se laisse porter par un public totalement acquis qui reprend tous ses textes en chœur, comme Wesh Morray ou Centurion, extrait de son dernier album Trône. Pour que le concert frôle enfin le mur du son, il faut attendre des énièmes remerciements « à ceux qui ne l’ont pas lâché : la Guyane, les Antilles, les gars de Fleury » – de la prison de Fleury-Mérogis où il a été incarcéré au début de sa carrière et récemment en août pour sa rixe avec Kaaris – et enfin aux « filles » à qui une série de chansons est dédiée : Scarface, Validée…
Arrive le titre Kalash, qui avait révélé son rival de Sevran, mais Booba ne dit pas un mot. Il préfère simplement amputer le couplet de Kaaris plutôt que d’en parler. Ce sera sa ligne de conduite pendant tout le concert : l’indifférence plutôt que les attaques puériles auxquelles il avait habitué ses fans sur les réseaux sociaux. Pas de commentaire non plus sur le récent départ de Damso de son label, pas un sur la bagarre à l’aéroport d’Orly, si ce n’est pour mentionner la présence sur scène d’un de ses gardes du corps alors très actif.
Benzema, « indésirable comme moi »
Au bout d’une heure d’un show poussif, terni par un auto tune réglé à la limite du chanteur de raï, le concert finit enfin par décoller avec l’arrivée de Dosseh, avec qui il chante le duo Infréquentables. Frais, énergique, le jeune rappeur brandit un t-shirt évoquant la manifestation qui a eu lieu samedi après-midi gare du Nord à Paris pour demander la vérité sur la mort d’Adama Traoré, mort en juillet 2017 dans une gendarmerie d’une Val d’Oise.
Booba en profite pour faire sa seule déclaration extra-musicale du concert : « On a peu d’espoir mais on y croit encore : justice pour Adama », dit-il, renouant ainsi avec les textes de ses premiers albums, comme celui au sein du groupe Lunatic Mauvais Œil, puis ses solos Temps Morts, Panthéon ou Ouest Side. Et voilà Booba lancé dans un pot pourri de ses meilleurs titres mixés par DJ Med.
Avant l’arrivée d’une autre jeune gâchette du rap français, Niska, il fait monter sur scène son ami, le footballeur Karim Benzema, « un indésirable comme lui ». Une posture qu’affectionne apparemment Booba mais que son succès à la U Arena de Nanterre dément, tant il fait aujourd’hui partie du paysage médiatique et musical français.