Au PCF, le risque du statu quo
Au PCF, le risque du statu quo
Par Abel Mestre
Une semaine après le vote mettant la direction en minorité, Pierre Laurent, secrétaire national du parti, ne désarme pas.
Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, lors de l’université d’été de son parti, en août à Angers. / JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP
Le Parti communiste français (PCF) va-t-il tomber dans le piège de la « hollandisation », avec un secrétaire national qui s’accroche à son poste tout en s’entourant d’une équipe respectant les équilibres internes ? C’est le risque qui pointe au sortir du Conseil national (CN, parlement du parti) de samedi 13 et dimanche 14 octobre. Une semaine après le vote des militants communistes ayant placé le texte alternatif − emmené notamment par les députés André Chassaigne et Fabien Roussel − devant celui de la direction sortante (42,15 %, contre 37,99 %), c’est, en effet, le statu quo qui domine. Pierre Laurent, à la tête de la formation depuis 2010, rejette en tout cas toute analogie avec le PS sous l’ère François Hollande (1997-2008), où la synthèse était érigée en règle. Il assure ne pas faire de son mandat le cœur de ses motivations.
« On ne fera pas de synthèse molle, promet M. Laurent. Nous ferons des choix clairs, nous aiguiserons la discussion. Il n’y aura pas de réponse mi-chèvre, mi-choux, cela nous conduirait à l’échec. Mon but n’est pas de rester à la tête du PCF, mais de le garder uni. »
Plus petit dénominateur commun
Voire. Car si huit jours auparavant, au soir du résultat inédit du vote interne et du camouflet infligé à la direction, des rumeurs de démission de Pierre Laurent couraient, ce n’est plus le cas. « Je fais partie de l’équation », rappelle l’ancien journaliste de sa voix monocorde. Il ajoute : « Notre culture est celle de l’addition, pas de l’opposition interne. » Le sénateur de Paris insiste pour « constituer une nouvelle équipe de direction ». Il se dit d’ailleurs « disponible » pour « animer » cette équipe : « Oui, je peux rester, car ce qui incarnera le changement demandé par les militants lors du vote s’incarnera dans la nouvelle équipe de direction », a-t-il ensuite précisé à quelques journalistes. « Mais s’il y a d’autres propositions, la question n’est pas taboue », rappelle-t-il. En clair : il restera tant qu’on ne lui demandera pas de partir. M. Laurent estime que le vote n’a pas donné de majorité à l’un des quatre textes en lice puisque aucun n’a atteint 50 % des voix. Et que, de fait, il reste le plus petit dénominateur commun d’un parti où les divergences pointent.
L’ambiance était d’ailleurs étrange, samedi après-midi, en marge du conseil national. Les communistes s’étaient délocalisés dans les locaux de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), dans le 11e arrondissement de Paris, car un tournage avait lieu à leur siège de la place du Colonel-Fabien. Presque tous les responsables interrogés assuraient que derrière le huis clos, tout se passait bien, dans un esprit de franche camaraderie. « Il y a une bonne ambiance, on se marre même », a plaisanté Fabien Roussel.
Le député du Nord est l’homme fort du vote de la semaine dernière. On le présente comme le successeur potentiel à Pierre Laurent, puisqu’il est issu du texte ayant recueilli le plus de suffrages. Il ne rejette pas cette possibilité d’ailleurs, mais à certaines conditions : « Nous avons besoin d’un collectif. Si je peux mettre mon expérience, mon mandat au service du parti et de montrer que le PCF est capable de se renouveler, alors je pourrais me rendre disponible. » Il ajoute un codicille :
« Mais ce sera dans un esprit de discussion, pas pour m’opposer à d’autres. Je ne ferai pas de campagne pour la direction du parti. Ne divisons pas encore plus le parti. Les militants ne doivent pas avoir à trancher, car quand on tranche, on coupe. Et je ne veux pas de cela. »
Fumée blanche
Pour les profanes, cela signifie que M. Roussel brigue bien la tête du parti, mais pas au prix d’une compétition interne avec Pierre Laurent. Il faut qu’il soit désigné, que la fumée blanche surgisse du siège et que M. Laurent le nomme successeur. « Marchais a désigné Hue. Hue a désigné Buffet. Buffet a désigné Laurent. Cela s’est toujours bien passé », rappelle-t-il. Avant de lancer une invitation à M. Laurent : « Je voudrais que l’on se voie, qu’on en parle ensemble. »
Les cartes sont donc dans les mains de Pierre Laurent qui, en fin connaisseur des arcanes de son parti, juge qu’il est urgent d’attendre. Surtout qu’une deuxième bataille va désormais avoir lieu : celle des amendements du texte sorti en tête. Cela se fait à la base, par les militants. Et la direction voit les choses en grand, au risque de dénaturer le Manifeste pour un communisme du XXIe siècle, titre de la « motion » Chassaigne-Roussel. « Il y a de grands blocs qu’il faut éclaircir : l’international, la question européenne et la situation politique en France, souligne Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF. On est tous d’accord sur la nécessité de s’attaquer à l’effacement du parti et de réaffirmer son identité. Mais on peut avoir des différences sur les méthodes. » Fabien Roussel avertit : « On peut modifier, enrichir le texte mais on doit rester dans l’orientation générale. »
Dans ce duel à fleurets mouchetés, les tenants du texte « Pour un printemps du communisme » (11,95 % des voix), qui défendent une stratégie d’union de la gauche antilibérale, notamment avec La France insoumise, ont les mots les plus tranchants. Frédérick Genevée estime ainsi que le PCF « est divisé, qu’il n’a plus de majorité ». « On doit avoir un débat sur les idées. Or on bataille sur les commissions… On ne se relèvera pas comme ça. Il y a un risque d’éclatement », poursuit-il. Le chemin semble encore long pour les communistes avant leur congrès fin novembre, à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne).