Vente aux enchères de montres de collection chez Phillips, à New York, en 2017. / PHILLIPS

Pour être une montre de collection, il faut afficher au moins une vingtaine d’années au compteur. Plus récente, elle est juste d’occasion, et navigue sur un autre marché. Les modèles de collection bénéficient de courants favorables : « Les grandes marques, comme Patek Philippe ou Rolex, ainsi que les modèles iconiques connaissent une hausse de valeur constante. En ce moment, les chronographes et les montres de plongée sont particulièrement prisés », observe Romain Réa, expert près la cour d’appel de Paris et PDG d’Antiquorum, maison d’enchères spécialisée en horlogerie.

Flambée des cotes

Parmi ces montres d’aventuriers, il faut citer les Rolex Daytona des années 1960, les Omega Speedmaster des années 1970 ou encore les Breitling Navitimer… Et dans la catégorie des montres de plongée, toutes celles qui ont été utilisées par les marines nationales, telles l’Omega Seamaster et la Jaeger-LeCoultre Polaris Memovox, ainsi que celles signées Triton, Tudor, Panerai… Point commun de ces pièces : leur taille, autour de 35 à 40 mm de diamètre. Dans les années 1950-1960, le chic consistait à avoir une petite montre (autour de 33 mm). Mais ces modèles n’ont plus la cote et disparaissent du marché, faute d’amateurs.

« Les collectionneurs souhaitent des montres de référence, mais avec les petits détails qui font toute la différence. Cette démarche est proche de celle des collectionneurs de timbres. » Romain Réa, expert en horlogerie

L’expert honoraire Guy Kobrine, qui officie notamment lors de ventes aux enchères du Crédit municipal de Paris, souligne une autre inclination du marché actuel : « Auparavant, les amateurs cherchaient une montre d’occasion, maintenant ils veulent le “full set”, c’est-à-dire la montre de collection avec sa boîte et ses papiers. Et, de préférence, avec une référence précise. »

Lors d’une vente récente au Crédit municipal, il a ainsi vu les enchères flamber pour une Rolex ­Submariner à lunette verte (sur la Submariner classique, la lunette est bleue) : « Les premiers exemplaires à lunette verte qui ont été fabriqués ne portaient pas de référence spécifique. Mais les suivants ont été répertoriés avec l’ajout d’un LV – pour lunette verte. Résultat, ils cotent moins, alors que ce sont les mêmes montres. »

Romain Réa constate la même évolution : « Les collectionneurs souhaitent des montres de référence, des icônes, mais avec les petits détails qui font toute la différence. Cette démarche est proche de celle des collectionneurs de timbres. » Des amateurs de plus en plus pointus ? Certes, mais leur quête ne va pas toujours jusqu’à s’inquiéter de l’essentiel d’une montre : son mouvement.

Les montres à complications (qui indiquent les phases de lune, disposent de plusieurs compteurs, du système flyback sur un chronographe – fonction qui permet la remise à zéro d’un compteur et son déclenchement instantané), avec des mouvements complexes, ont toujours leurs admirateurs. Ils se tournent logiquement vers les Patek Philippe, les Breguet ou les Vacheron Constantin. En revanche, ceux qui cherchent simplement une montre vintage rare « achètent une montre à la mode, sans se préoccuper de ce qu’il y a dedans », déplore Guy Kobrine.

Rolex, toujours champion

Cette tendance, qui touche certains modèles, aboutit très logiquement à une montée des prix. Et dans cette catégorie, Rolex reste le champion. Le prix moyen de la Daytona (tous modèles confondus) était ainsi de 39 470 euros en 2007, il est de 148 250 euros en 2017, une augmentation largement due au modèle Paul Newman. Sur la même période, la Submariner a progressé de 16 100 euros à 33 800 euros. A titre de comparaison, l’Omega Speedmaster, vendue en moyenne 11 330 euros en 2007, s’affiche à 17 500 euros en 2017.

« Les montres sont leader sur les ventes en ligne d’objets anciens. Et, dans ce cadre, le rôle de l’expert sera prépondérant. » Geoffroy Ader, expert en horlogerie

Ces chiffres issus de la base de données du site Collector Square illustrent également le basculement progressif des ventes de montres anciennes sur Internet. Geoffroy Ader, expert en horlogerie et fondateur du site Ader Watches, estime que « les montres sont leader sur les ventes en ligne d’objets anciens. D’ici cinq à dix ans, il y aura probablement un équilibre entre les ventes en ligne et le circuit traditionnel. Et, dans ce cadre, le rôle de l’expert, garantissant l’authenticité, l’état, la sélection des modèles, sera prépondérant ». Avec Artcurial, il propose, d’ici à la fin de l’année, une vente 100 % ­online, du 14 au 19 novembre.

En ce qui concerne la nationalité des acheteurs, notons que les Français restent bien présents, tout comme les Américains, les Japonais, les Italiens, les Britanniques, les Allemands ou les Espagnols. Mais Romain Réa surveille de près le marché chinois : « Ils ont déjà commencé à acheter des montres modernes. D’ici peu, ils vont s’intéresser à l’ancien. Tous les pays commencent de cette façon. »