Une photo Vichai Srivaddhanaprabha dans le stade de Leicester. / PETER NICHOLLS / REUTERS

Sa seule extravagance de milliardaire lui aura été fatale. Le président de Leicester City, le Thaïlandais Vichai Srivaddhanaprabha, avait pour seul pêché mignon de quitter le stade de son équipe en hélicoptère. Celui-ci s’est écrasé aux abords du King Power Stadium, samedi 27 octobre, causant la mort de son propriétaire ainsi que de quatre autres passagers. Un choc pour les habitants de Leicester, ville située dans le centre de l’Angleterre, qu’il a fait connaître dans le monde entier.

Le milliardaire de 60 ans, décrit comme humble et généreux, avait mené son club jusqu’à l’un des plus improbables exploits de l’histoire du football : le titre de champion conquis en 2016, au nez et à la barbe des grandes puissances du football anglais. Seulement six ans après le rachat pour 40 millions de livres d’un club alors moribond, qui végétait en deuxième division.

Un conte de fées du football moderne avec l’entraîneur italien Claudio Ranieri à la baguette, mais dont l’homme d’affaires thaïlandais avait été le véritable investigateur. Sans dépense mirobolante (selon les canons de la Premier League), Vichai Srivaddhanaprabha avait investi de manière ciblée, privilégiant l’éclosion de jeunes talents. Leicester a eu du nez avec l’attaquant vedette Jamie Vardy, déniché en cinquième division anglaise, ou le Français N’Golo Kante (acheté à Caen) et l’Algérien Riyad Mahrez, recruté au Havre en Ligue 2.

Vichai Srivaddhanaprabha et son fils Aiyawatt, au moment de recevoir le trophée de champion d’Angleterre en 2016. / ADRIAN DENNIS / AFP

« Nous lui devons tout »

Réputé proche de ses joueurs, Vichai Srivaddhanaprabha était également très apprécié des supporteurs de Leicester, un fait plutôt rare pour des propriétaires étrangers en Angleterre. Il faut dire qu’il savait les choyer. Les supporters de Leicester avaient ainsi eu droit à une bière gratuite et à des beignets pour célébrer son soixantième anniversaire, avant un match contre Newcastle en avril de cette année. Et le prix des abonnements avait été gelé ces quatre dernières saisons, tandis que Vichai Srivaddhanaprabha avait fait don de 2 millions de livres sterling (2,5 millions de dollars) pour aider à construire un hôpital pour enfants.

« Vichai a choisi Leicester lorsque nous étions couverts de dettes, rappelle Ellis Greaves, un fan des Foxes (les renards, le surnom du club), qui a lancé une pétition en ligne pour qu’une statue soit érigée en l’honneur du président défunt. Il nous a sortis de là et a fait de nous ce que nous sommes aujourd’hui. Nous lui devons tout, à lui et sa famille. S’il vous plaît, si vous êtes un supporter de Leicester ou un fan de football, signez cette pétition pour qu’une statue soit érigée devant le King Power Stadium à sa mémoire. » En milieu de journée, cette pétition avait déjà recueilli plus de 16 000 signatures.

Malgré sa popularité, le Thaïlandais aux petites lunettes rondes était un personnage peu connu, qui a préféré laisser son fils Aiyawatt, dit « Top », jouer les premiers rôles en tant que vice-président du club.

Dimanche, le club a salué la « gentillesse » et la « générosité » de Vichai Srivaddhanaprabha, un « grand homme ». « C’est une tragédie pour le club. Je suis épouvantablement triste », a aussi réagi l’entraîneur français de Leicester, Claude Puel. De nombreux supporters de football ont afflué toute la journée aux abords du stade, pour déposer des bouquets de fleurs et des écharpes aux couleurs du club, ou se recueillir en silence.

« Je peine à trouver les bons mots… Mais pour moi, vous êtes une légende, un homme incroyable, (celui) qui avait le plus grand cœur, l’âme du Leicester City » a écrit sur Instagram, dans la nuit de dimanche à lundi, l’attaquant vedette Jamie Vardy, en légende d’une photographie de lui et de Vichai Srivaddhanaprabha souriants.

Les anciens du club se sont également exprimés. L’ex-international et joueur de Leicester Gary Lineker a confié sur Twitter avoir le « coeur brisé ». « Ce qu’il a fait pour Leicester est incroyable », a rappelé sur BBC5live Sven-Goran Erikssen, ancien manager du club, décrivant un homme « extrêmement généreux », présent à chaque match, avec sa famille.

« Ce n’était pas un héritier d’une riche famille mais un vrai battant »

L’homme d’affaires était à la tête d’une fortune aujourd’hui estimée à plusieurs milliards de dollars. Familier de la famille royale thaïlandaise, il avait construit l’activité de son groupe, King Power, à partir de 1989 avec au départ un seul magasin de duty-free à Bangkok, avant de décrocher, en 2006, la concession pour les magasins de duty-free du nouvel aéroport international de Bangkok, qui voit passer chaque année des millions de voyageurs.

« Ce n’était pas un héritier d’une riche famille mais un vrai battant », souligne le politicien Anutin Charnvirakul, saluant le « modèle pour la jeune génération », d’homme d’affaires avisé, incarné par Vichai. Fervent bouddhiste, Vichai a réussi à se ménager les faveurs des élites conservatrices, y compris du palais, qui lui a accordé le nom prestigieux de Srivaddhanaprabha.

En dépit de son poids économique et de ses ambitions internationales, King Power était cependant resté une entreprise très familiale. Et les quatre enfants de Vichai, deux filles et deux garçons tous trentenaires, font tous partie du comité exécutif du groupe.

Vichai Srivaddhanaprabha était aussi un familier des puissants de Thaïlande, au premier rang desquels la famille royale. Son nom, Srivaddhanaprabha, lui a été attribué en 2013 par le roi de Thaïlande. Amateur de polo, dont il était un joueur accompli, membre du Ham Polo Club de Londres, il côtoyait également des membres de la famille royale en Angleterre.