Football Leaks : le PSG dans l’obligation de trouver de l’argent
Football Leaks : le PSG dans l’obligation de trouver de l’argent
Par Youmni Kezzouf
Le club parisien va devoir trouver de nouveaux revenus dès la saison prochaine, pour compenser la perte de son principal contrat de sponsoring décidée par l’UEFA.
Kylian Mbappé et Neymar, 402 millions d’euros à eux deux. / Thibault Camus / AP
Le 2 novembre, 55 minutes après la publication dans Mediapart des nouvelles révélations des Football Leaks, Neymar et Kylian Mbappé arrivaient au Parc des princes pour affronter Lille. Dans une célébration tardive de Halloween, les deux stars achetées à prix d’or (402 millions d’euros à eux deux) à l’été 2017 ont débarqué déguisés en braqueurs. Ça ne s’invente pas.
Le coup de folie des propriétaires qataris du PSG pour s’offrir les deux joueurs pourrait en effet avoir des conséquences désastreuses sur les finances du PSG, dès l’été prochain. Surtout couplé à l’interdiction pour le club parisien de renouveler son juteux contrat avec l’Autorité de tourisme du Qatar (QTA).
Officiellement blanchi par l’UEFA et échappant à toute sanction disciplinaire, le PSG est loin d’être tiré d’affaire : financièrement, il a bien été sanctionné, et la conséquence la plus grave n’a pas encore pris effet. D’après Mediapart, la chambre d’instruction de l’UEFA a imposé, le 13 juin, au PSG l’interdiction de renouveler son contrat avec QTA après le 30 juin 2019. Une sanction confirmée par Victoriano Melero, le secrétaire général du club, au Parisien.
Signé dès 2012, revalorisé en 2016, ce partenariat de « nation branding » unique en son genre est au centre de toutes les discussions. Largement surévalué d’après différents audits réalisés par l’UEFA, il aurait permis au Qatar d’injecter d’énormes sommes dans son club en contournant, en partie, les règles du fair-play financier (FPF).
Avec cette interdiction, le budget du Paris Saint-Germain, évalué à environ 500 millions d’euros par an, se retrouvera privé d’un revenu de 145 millions d’euros par saison. A cette somme se rajouteront les différents coûts supplémentaires qu’impliquent les deux transferts records de l’été 2017. D’après les Football Leaks, ces coûts sont évalués à 830 millions d’euros sur cinq saisons, entre l’achat, les salaires et les commissions des agents. Soit 166 millions d’euros de dépenses supplémentaires par an.
Compenser les pertes
C’est un fait, même si le PSG n’est pas plus lourdement sanctionné par l’UEFA, il doit trouver de l’argent. Pour compenser la perte de son sponsor QTA et de ses 145 millions d’euros d’abord, mais aussi pour assumer le coût de ses ambitions sur le marché des transferts. Particulièrement scruté, le club parisien peut se tourner vers des contrats de sponsoring moins suspects, qui n’impliqueraient pas l’Etat du Qatar.
Le PSG craint de devoir se séparer d’une de ses stars pour compenser le manque à gagner. / FRANCK FIFE / AFP
Le contrat de Fly Emirates, principal sponsor maillot dont la valeur est estimée par une agence de marketing mandatée par l’UEFA à 35 millions d’euros par saison, arrive à échéance à la fin de la saison. Il ne sera pas prolongé, ce qui permettra à Paris de négocier, probablement plus cher, un nouveau contrat. D’après les informations de L’Equipe, le PSG espérerait obtenir un accord à 60 millions d’euros par saison. Dans la même veine, le club veut également renégocier son contrat d’équipementier avec Nike.
Mais la principale source de revenu potentielle, celle qui permettrait un apport de fond à la hauteur des déficits du club, c’est la vente d’un joueur majeur. En fin de mercato 2018, le PSG a été obligé de vendre en urgence pour 60 millions d’euros, ce qu’il a réussi à faire en envoyant Yuri Berchiche à Bilbao et Javier Pastore à Rome. Mais à la vue des sommes en jeu à partir de l’été 2019, c’est bien la vente d’un joueur majeur, de la trempe de Neymar ou Mbappé, qui pourrait compenser la perte de revenus de la fin du contrat QTA.
Le club en a bien conscience, et a d’ailleurs axé sa stratégie de communication sur cet aspect. Le numéro 2 du club, Jean-Claude Blanc, a répondu sur ce point à Mediapart, pour fustiger une attaque venue d’Espagne, désignant à mots (à peine) couverts le virulent Javier Tebas, président de la ligue espagnole.
« Par cette décision, connaissant nos comptes (…), l’UEFA, seule ou poussée par d’autres clubs et une ligue (…) hispanisante, dit que le PSG est obligé de vendre un de ses gros joueurs pour être à l’équilibre en 2019-2020. Ça tombe bien, qu’est-ce qu’on peut lire dans la presse espagnole en ce moment ? Neymar au Barça, Neymar au Real, MBappé dans un grand club. »
Le PSG se retrouverait alors en situation de faiblesse sur un marché des transferts particulièrement compliqué. Si tous ses adversaires savent qu’il doit absolument vendre pour sauver ses comptes, le club aura bien du mal à peser dans les négociations.
Le risque de nouvelles sanctions
L’autre risque pour le PSG, c’est le spectre de nouvelles sanctions, plus lourdes, venant de l’UEFA. Si les Football Leaks montrent comment le club a pu profiter d’accords à l’amiable et d’enquêtes classées « pour raisons politiques », la procédure n’est pas encore terminée. Le 24 septembre, la chambre de jugement de l’Instance de contrôle financier des clubs, après avoir examiné le rapport de sa chambre d’instruction, lui a renvoyé le dossier. Elle réclame notamment un nouvel audit, plus approfondi, des contrats de sponsoring qataris. Jusqu’à présent, jamais l’UEFA n’a voulu aller jusqu’à la sanction sportive, l’exclusion des compétitions européennes, pour des raisons économiques autant que politiques. Mais la menace plane malgré tout. Et si la chambre de jugement se prononçait pour une nouvelle amende, les comptes du PSG risqueraient d’être encore davantage plombés.
Face à ce risque de nouvelles sanctions, il reste une arme au PSG, préparée de longue date. Dès 2013, une équipe de juristes du PSG a rédigé une plainte, visant à attaquer le fair-play financier devant l’autorité de la concurrence. Jamais déposée, elle a plusieurs fois servi d’arme de dissuasion au PSG, qui ne cesse de fustiger les conditions de ce fair-play financier, qui favoriserait les clubs installés et pénaliserait les nouveaux riches.
Dès vendredi soir, quelques heures à peine après les révélations de Mediapart, Jean-Claude Blanc affûtait sur RMC les éléments de langage qui constituent le principal argument du club : « Les règles de l’UEFA ne permettent pas l’investissement, expliquait le directeur général délégué du club, en première ligne dans les négociations avec l’UEFA. En étant un nouvel entrant, manifestement, vous n’êtes pas le bienvenu. Je crois que les règles du fair-play financier ont été petit à petit détournées pour empêcher des nouveaux entrants de venir perturber un cartel bien organisé de clubs. »