Rugby : à Toulon, le calme pendant la tempête
Rugby : à Toulon, le calme pendant la tempête
Par Adrien Pécout
Le président Mourad Boudjellal avait pris l’habitude de virer ses entraîneurs. Il maintient aujourd’hui sa confiance à Patrice Collazo, malgré une place d’avant-dernier avant d’affronter le bon dernier, Perpignan.
Patrice Collazo, le 14 octobre, avant le match Toulon-Newcastle. / GERARD JULIEN / AFP
Ces dernières saisons, Mourad Boudjellal changeait d’entraîneurs comme de tee-shirts. Et le président du Rugby club toulonnais (RCT) a une garde-robe plutôt fournie. Sur les deux saisons écoulées, quatre entraîneurs principaux remerciés en cours de route (Dominguez, Ford, Cockerill et Galthié), et plusieurs de leurs adjoints aussi (Delmas, Edmonds, Landreau).
Patrice Collazo aura peut-être plus de chance. Le nouvel entraîneur en chef de Toulon, certes, enchaîne les défaites depuis le début de championnat. Encore davantage que ses prédécesseurs. Mais son président a déjà déclaré vouloir finir la saison avec lui, et celle d’après aussi. Même en cas de relégation en deuxième division. Cas de figure encore très hypothétique.
Très rhétorique, surtout. « J’ai toute confiance en Patrice Collazo, confirmait Mourad Boudjellal il y a une semaine, après la défaite contre La Rochelle, où Collazo vient de passer sept saisons. J’ai dit une connerie l’autre jour, j’ai dit que j’irais en Pro D2 avec lui. Je confirme que j’irais en Pro D2 avec lui. Mais on va essayer de ne pas y aller quand même. »
On pourrait rire de cette nouvelle sortie présidentielle, mais pas trop quand même. Elle raconte l’ambiance pesante du moment. La surprise, surtout, de voir Toulon si bas au classement : en l’occurrence, à l’avant-dernière place du Top 14, avant de recevoir Perpignan, le bon dernier, samedi 3 novembre (à partir de 18 h 45). Bilan provisoire : deux victoires pour six défaites, auxquelles s’ajoutent déjà deux revers en Coupe d’Europe.
Comment, alors, dans un contexte encore plus duraille que les saisons précédentes, expliquer la soudaine mansuétude de Mourad Boudjellal ? « Je pense qu’il a changé », suppose Guilhem Guirado, en pleine préparation avec le XV de France, et donc absent pour affronter son ancien club de Perpignan.
Le talonneur poursuit, à l’adresse des journalistes qui aimeraient « l’odeur du sang » et l’idée d’« avoir un papier à écrire » sur un éventuel remaniement :
« Vous pourrez chercher n’importe quel moyen de déstabiliser le club, je pense que maintenant Mourad Boudjellal a compris qu’il fallait rester soudés et que les joueurs en ont aussi besoin. (…) Il a appris, à ses dépens, de ce qu’il avait peut-être mal géré par le passé. »
« Ça fait beaucoup »
En septembre, assis sur une tribune du terrain d’entraînement du RCT, Mathieu Bastaraud insistait déjà sur « le besoin maintenant de retrouver de la stabilité ». Sans changer d’entraîneur au moindre vent contraire. Comme Guirado, le trois-quarts centre suivra le match contre Perpignan depuis le Centre national de rugby de Marcoussis (Essonne), où se prépare la France avant d’affronter dans une semaine l’Afrique du Sud.
A Toulon, « c’est vrai que sur les dernières années, on a eu je ne sais plus combien de coachs », concède Bastareaud. Un calcul rapide, puis cette estimation : « Ça fait beaucoup. » Un chambardement permanent jamais très commode pour les joueurs : « Déjà, tu te demandes si tu vas entrer ou non dans les plans du nouvel entraîneur… »
Le capitaine toulonnais a connu la période d’avant. Ce titre en championnat de France (2014), ce triplé en Coupe d’Europe (2013-2015), avec pour entraîneur principal un seul et même homme, Bernard Laporte, aujourd’hui dans le costume de président de la Fédération française de rugby.
Pour faciliter l’après-Laporte, Mourad Boudjellal avait eu une idée : faire en sorte que Diego Dominguez arrive dès janvier 2016 pour observer « Bernie le Dingue » pendant une demi-année, avant de lui succéder. Las ! L’Italo-Argentin a finalement été démis de ses fonctions dès le mois d’octobre 2016, quelques semaines à peine après sa prise d’autonomie.
Le genre de destin auquel Patrice Collazo refuse aujourd’hui de songer. Dès septembre, il expliquait :
« J’ai une vision à long terme de ce que je veux faire, mais, le paradoxe, c’est que je suis plutôt dans l’instant t, dans l’immédiat, je ne calcule pas, je ne me dis pas : “Là, ça tangue, ça va bouger, il va y avoir une vague.” (...) Oui, des coups de gueule, il va peut-être y en avoir, des coups de sang aussi. Mais après, arrive ce qu’il arrive. »
L’entraîneur est bien placé pour parler du micro-climat toulonnais : l’ancien pilier est né à La Seyne-sur-Mer, dans le Var, à quelques kilomètres du RCT, son club formateur.