« Victor Hugo, ennemi d’Etat » : de l’homme du monde au champion du peuple
« Victor Hugo, ennemi d’Etat » : de l’homme du monde au champion du peuple
Par Philippe-Jean Catinchi
Le téléfilm de Jean-Marc Montout évoque la métamorphose de l’écrivain, contraint à l’exil sous le règne de « Napoléon le Petit ».
Février 1848, la République renaît dans la faillite de la monarchie de Juillet, renversée par la rue. Décembre 1851, elle est mise à mort par le coup d’Etat orchestré par Louis Napoléon Bonaparte, soucieux de confisquer le pouvoir qu’une élection démocratique ne lui accordait que pour quatre ans. Comment en vient-on en aussi peu de temps à basculer du statut d’écrivain unanimement salué, pair de France et soutien du parti de l’ordre, à celui d’« ennemi d’Etat » dont la tête est mise à prix avant que la proscription ne vous contraigne à l’exil ?
C’est ce qu’entend faire comprendre cette évocation, précise et strictement menée par Sophie Hiet et Jean-Marc Moutout, du moment charnière où Victor Hugo abandonne les nostalgies monarchiques pour incarner une opposition frontale au régime despotique qui prépare le rétablissement de l’empire. Savamment, les auteurs tissent avec finesse les liens entre vie familiale, vie sentimentale et vie politique de Hugo. Les fils de l’écrivain, Charles et François-Victor, s’engagent eux-mêmes dans le combat républicain, sans les atermoiements du « pèrissime », tandis que leur sœur Adèle tente d’échapper au spectre de son aînée Léopoldine.
Désordres amoureux
Les désordres amoureux d’un homme qui aime plaire et ne sait pas choisir – en marge d’une épouse qu’il respecte mais néglige, Hugo (Yannick Choirat) se partage entre ses deux maîtresses, Juliette Drouet (Isabelle Carré), devenue depuis des lustres une confidente et une collaboratrice dans la mise au net du grand roman social qu’il projette, ces Misères qui deviendront Les Misérables, et la jeune Léonie d’Aunet (Erika Sainte) qu’il a lâchement laissé incarcérer pour adultère – n’en font pas un champion du rétablissement du divorce, s’il reste celui de l’abolition de la peine de mort.
C’est du reste à l’Assemblée, où il défend une politique sociale qui reclasse ce conservateur modéré toujours plus à gauche, et dans les locaux de L’Evénement, le journal qu’il lance pour diffuser ses idées auprès du plus grand nombre, que s’opère la métamorphose de l’homme du monde en champion du peuple. Passé le 2 décembre 1851, ne reste que la voie de l’exil, d’où le nouvel Hugo tonne contre « Napoléon le Petit » avant de devenir une icône républicaine.
France 2 / En tournage : Victor Hugo, ennemi d'état
Durée : 01:39
Victor Hugo, ennemi d’Etat, de Jean-Marc Montout (Fr., 2018, épisodes 1 et 2 (sur 4), 2 × 50 min). www.francetelevisions.fr