Des adolescents jouent au volley-ball à Mokolo, dans le nord du Cameroun, en février 2018. / ALEXIS HUGUET / AFP

Tribune. Dix-neuf ans. C’est aujourd’hui l’âge médian en Afrique. Cela fait du continent la région la plus jeune de la planète. En comparaison, l’Amérique latine affiche un âge médian de 30 ans, l’Asie de 32 ans, l’Amérique du Nord de 39 ans et l’Europe de 42 ans. Face à ce panorama, il est alors aisé de comprendre en quoi la jeunesse africaine représente la principale source de vitalité pour les prochaines décennies.

Alors que le reste des continents connaissent un vieillissement de leur population, l’Afrique voit sa population entre 15 et 35 ans croître rapidement si bien qu’elle devrait doubler pour atteindre près de 850 millions à l’horizon 2050. Ce bouleversement en cours questionne les sociétés africaines sur l’avenir qu’elles souhaitent pour leur jeunesse, et les enjeux sont colossaux !

Des besoins de financement titanesques

Cette croissance démographique va nécessiter une amélioration substantielle des systèmes éducatifs, de santé, des réseaux d’infrastructure. Elle va également exiger une réponse économique et sociale. A ce jour, 12 millions de jeunes Africains entrent sur le marché du travail chaque année. Pourtant, seuls 3 millions d’emplois sont disponibles, ce qui laisse 9 millions de jeunes sur le bord de la route ! Cette réalité terrifiante enferme une partie de la jeunesse africaine dans une trappe de vulnérabilité et de pauvreté.

Pour répondre à ces enjeux structurels, les besoins de financement sont titanesques. Sur la seule question des infrastructures, les Etats africains devraient investir entre 68 et 108 milliards de dollars (entre 60 milliards et 95 milliards d’euros) supplémentaires chaque année pour faire face aux besoins de financement.

Soyons réalistes. Aucun pays n’a, de manière unilatérale, la capacité de faire face à la situation. Quand bien même certains pays parvenaient à tirer leur épingle du jeu, cela serait bien précaire si les pays limitrophes étaient en état de fragilité. Après tout, qui peut dormir sereinement lorsque la maison mitoyenne de son voisin prend feu.

Plus encore, redoublons de vigilance. Comme aucun autre pays, aucun autre continent n’a connu la transition démographique que traverse actuellement le continent africain, il est peu raisonnable de penser que les solutions viendront de nos partenaires internationaux, fussent-ils à Paris, à Washington, à Pékin ou à New Delhi.

Notre destinée est unique et c’est pour cette raison que les solutions à trouver doivent être inédites et endogènes. Nous avons la lourde tâche d’inventer une voie qui ne consisterait pas forcement à être le prochain atelier du monde, comme le fut la Chine, ou de recréer une Silicon Valley sous les tropiques.

Pierre angulaire

Les tendances globales ne doivent pas définir l’idéal de la jeunesse africaine. Lorsque je suis dans les rues de Khartoum, de Kinshasa, d’Alger, de Dakar ou de Nairobi, je suis confrontée à une tout autre jeunesse. Inventive, débrouillarde, résiliente. Lorsque je rencontre les jeunes dans les zones rurales, ils me tiennent un discours volontaire et mènent des actions engagées. D’où ils se tiennent, avec leurs moyens, les jeunes impulsent la transformation du continent. Nous devons donc libérer pleinement le potentiel de cette jeunesse en adoptant une approche panafricaine.

Par la facilitation des mouvements de jeunes, nous faciliterons le mouvement des idées et la réalisation d’initiatives profitables pour l’ensemble de l’économie. Nous le voyons bien dans le couloir Abidjan-Lagos. Le long des 1 000 km qui traversent cinq pays résident 30 millions d’habitants et transitent 47 millions de personnes additionnelles. Cet espace dans lequel la jeunesse joue un rôle central concentre plus de 75 % des activités économiques en Afrique de l’Ouest. Le brassage culturel et le dynamisme permettent de créer de la valeur. Nous remarquons un phénomène similaire en Afrique de l’Est depuis la décision d’une plus grande intégration régionale, et nul doute que les décisions prises par la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cémac) vont dans le bon sens.

Enfin, nous devons inciter nos Etats à capitaliser sur les innovations qui caractérisent tant l’action de la jeunesse africaine. Dans un contexte complexe, les jeunes Africains répondent aux besoins de leur environnement de manière précise et sans superflu. Les jeunes mécaniciens prolongent la durée de vie d’un véhicule pour un chauffeur de taxi ou d’une machine à coudre pour un tailleur, permettant de poursuivre la génération de revenu. Dans une époque durant laquelle le mythe de la consommation de masse a démontré ses limites, la jeunesse africaine en plein cœur des quartiers de nos métropoles a déjà inventé le nouveau monde. Il est solidaire et durable.

Ce nouveau monde qu’invente la jeunesse des métropoles africaines peut être la pierre angulaire de sociétés en phase avec les enjeux de notre époque, notamment en matière de développement durable. Si nous les soutenons, les rêves et les réalisations de la jeunesse africaine répondront aux enjeux actuels, au-delà de nos espérances.

Francine Muyumba est présidente de l’Union panafricaine de la jeunesse, l’organe officiel de la jeunesse de l’Union africaine.