« Midterms » : l’endettement étudiant, bulle financière et politique
« Midterms » : l’endettement étudiant, bulle financière et politique
LE MONDE ECONOMIE
La dette moyenne d’un étudiant américain s’élève à quelque 37 000 dollars. Les allocations permettant à un enfant de milieu modeste d’accéder à l’université couvrent moins de la moitié des frais de scolarité.
Stacey Abrams en a quasiment fait un argument de campagne pour les élections dites de « mi-mandat« du 6 novembre. Comme des millions d’Américains, la candidate démocrate au poste de gouverneur du Texas vit à crédit. Ses comptes personnels affichent 170 000 dollars de dettes, liées en grande partie au remboursement de son emprunt étudiant qu’à 44 ans, cette avocate afro-américaine n’a toujours pas soldé. Une situation partagée à travers le pays par des dizaines d’autres candidats déterminés, notamment chez les démocrates, à réformer un système de plus en plus pénalisant pour les familles modestes. Sans toujours parler de « gratuité totale » des études, le débat porte sur l’accessibilité à l’enseignement supérieur.
Un sujet plutôt populaire dans un pays où le fardeau de la « dette étudiante » accable 44 millions de personnes, étranglées dès leur entrée dans la vie adulte par des frais universitaires en constante augmentation depuis vingt-cinq ans. Selon le prestige de l’université et les études envisagées, une année universitaire coûte entre 6 000 et 50 000 dollars. Aux quatre années d’études classiques dans le cursus universitaire s’ajoute le coût de la vie quotidienne, du logement et celui des années supplémentaires, que plus d’un étudiant sur deux est contraint de consacrer à l’obtention de son diplôme.
37 000 dollars, l’endettement moyen d’un étudiant
En 2018, au niveau national, la dette étudiante s’élève à 1 500 milliards de dollars. Un chiffre qui affole la Réserve fédérale américaine. Les emprunts des étudiants ont désormais dépassé la valeur totale des prêts consacrés à l’automobile et des achats par carte de crédit. Des cohortes de jeunes adultes entrent donc sur le marché du travail sans pouvoir investir dans leur avenir en contractant de nouveaux crédits pour l’achat d’un logement ou d’une voiture. Leur endettement moyen se monte à quelque 37 000 dollars.
Cette exception américaine remonte à une trentaine d’années ; depuis lors, les fonds alloués par l’Etat fédéral à l’enseignement supérieur ont chuté de 40 %, accélérant la privatisation du système. A titre d’exemple, les Pell Grants, un système de bourses fédéral créé dans les années 1960, finançaient, à leurs débuts, la totalité des frais de scolarité, permettant à un enfant de milieu modeste d’accéder à l’université. Aujourd’hui, ces allocations couvrent moins de la moitié des frais.
Face à ce coût, qui dissuade des milliers de jeunes d’envisager des études supérieures, les réponses politiques respectent les clivages traditionnels. Il y a un an, un sondage réalisé pour le site d’information Business Insider indiquait que 74 % des démocrates défendaient la gratuité des études supérieures, tandis que seuls 31 % des républicains partageaient cette opinion. Tout comme la couverture santé universelle, ce sujet est, cette année, devenu un thème de campagne du parti démocrate, aiguillonné par son aile gauche.
En revanche, les républicains, à l’instar de l’administration Trump et de sa ministre de l’éducation, Betsy DeVos, considèrent toujours la gratuité des études comme une dépense inenvisageable pour les finances publiques, critiquant même à l’occasion l’utilité de poursuivre quatre années d’études supérieures.
Accès aux community colleges
Au niveau des Etats, néanmoins, les initiatives se multiplient depuis quelques années pour rendre plus abordable l’accès aux community colleges, ces établissements de premier cycle universitaire de proximité. Dix-sept d’entre eux, républicains et démocrates, ont pris des mesures pour payer aux familles les plus modestes le solde des inscriptions, une fois qu’elles ont épuisé les autres formes d’aides fédérales et de bourses.
Au-delà des conditions de ressources, d’autres critères sont pris en compte : niveau académique, inscription dans certaines disciplines, engagement à rester travailler sur place pendant plusieurs années… Mais l’impulsion donnée à cette idée par Barack Obama, en 2015, se heurte d’année en année aux difficultés financières rencontrées par les Etats. La bulle de la « dette étudiante » n’est pas près de se résorber.