Midterms : l’ancrage du trumpisme
Midterms : l’ancrage du trumpisme
Editorial. Au-delà des résultats pour la Chambre des représentants et le Sénat, les élections de mi-mandat démontrent que le président américain a désormais derrière lui un parti républicain à sa main.
Editorial du « Monde ». La démocratie « meurt dans les ténèbres », clame la devise que le Washington Post affiche chaque jour au-dessus de son titre, depuis l’élection de Donald Trump, le 8 novembre 2016. La première leçon à tirer des élections législatives de mi-mandat, organisées mardi 6 novembre aux Etats-Unis, est précisément que la démocratie refuse de s’éteindre.
Les premiers résultats, mercredi matin, révélaient en effet une participation électorale record pour un scrutin de ce type avec, selon une estimation du New York Times, 114 millions de suffrages exprimés contre 83 millions en 2014. C’est le signe d’une mobilisation importante dans un climat politique certes très polarisé, mais c’est aussi une marque de confiance bienvenue dans la démocratie représentative, malgré les violences qui ont émaillé la campagne.
La deuxième leçon de ces « midterms » est la persistance de la division profonde qui caractérise la société américaine. D’un côté, les démocrates remportent la Chambre des représentants, avec au moins vingt-sept nouveaux sièges, de l’autre les républicains consolident leur majorité au Sénat : ce n’est pas une situation nouvelle sur Capitol Hill.
Nouvelle génération d’élus
Chaque camp a marqué des points. Les démocrates prennent une revanche sur la défaite d’Hillary Clinton, battue en 2016 par Donald Trump, alors qu’elle était majoritaire en nombre de suffrages exprimés, et voient arriver une nouvelle génération d’élus, parmi lesquels un nombre sans précédent de femmes et de représentants des minorités ethniques, mais ils ne réussissent pas le raz-de-marée que certains avaient escompté.
Donald Trump perd donc la majorité à la Chambre des représentants, comme cela était arrivé à ses prédécesseurs, Bill Clinton et Barack Obama, deux ans après leur élection, et, d’une certaine manière, il perd une fois de plus le vote populaire, puisque le Sénat, lui, n’était renouvelé que partiellement. Mais, en s’engageant comme jamais dans la campagne, pour laquelle il a tenu trente-sept meetings publics à travers le pays, au cours des deux derniers mois, il a réussi à limiter les dégâts. Et, surtout, il a désormais derrière lui un parti républicain à sa main, « trumpisé ».
Le Grand Old Party a changé. Les tenants traditionnels du courant ouvert à l’immigration et internationaliste ont été éclipsés. Le sénateur John McCain est mort cet été, d’autres figures républicaines classiques ne se sont pas représentées au Congrès. Ceux qui ont sauvé leur siège, comme Ted Cruz, réélu sénateur du Texas, l’ont fait en épousant les combats incendiaires du président. M. Trump, qui a déjà réussi à faire pencher à droite la Cour suprême, peut commencer dès demain la campagne pour sa réélection en 2020 : le trumpisme est à présent ancré dans le paysage politique américain.
Stratégie de la division
Cela ne veut pas dire qu’un chemin de roses l’attend dans les deux ans à venir. Ce Congrès va lui donner du fil à retordre. « Il s’agit de rétablir les contre-pouvoirs », a averti, mercredi matin, la présidente de la minorité démocrate sortante, Nancy Pelosi, en revendiquant la victoire. Ces fameux checks and balances, qui font théoriquement la force de la démocratie américaine, vont être mis à contribution pour passer au crible toutes les initiatives prises par l’administration Trump.
Les nouveaux élus démocrates auront également le pouvoir d’enquêter sur le président lui-même, notamment sur son passé fiscal, qu’il a toujours refusé de révéler. Ils seront enfin particulièrement vigilants sur la poursuite de la procédure, menée par le procureur spécial Robert Mueller, sur les accusations d’ingérences russes dans l’élection présidentielle de 2016, une enquête potentiellement embarrassante pour Donald Trump dans la perspective de sa réélection.
Une répartition des pouvoirs plus équilibrée est, de manière générale, une bonne nouvelle pour la démocratie. Encore faut-il que les deux camps soient disposés à travailler ensemble. Compte tenu de la virulence du ton donné à la campagne par le président Trump, rien n’est moins sûr. Logiquement, la stratégie de la division va continuer à marquer la vie politique aux Etats-Unis. Elle risque simplement d’être encore un peu plus tendue, et périlleuse.