Trois des six corps retrouvés, depuis mardi 6 novembre, dans les décombres des immeubles qui se sont effondrés en plein cœur de Marseille ont été formellement identifiés grâce à des rapprochements ADN. Il s’agit de deux femmes et d’un homme, tous trois locataires du 65, rue d’Aubagne, le seul des trois immeubles qui était occupé.

Alors que le déblaiement des gravats devrait encore prendre plusieurs jours, « à ce stade, les causes de l’effondrement ne sont pas établies et on ignore d’ailleurs lequel des deux immeubles l’a provoqué », a précisé Xavier Tarabeux, procureur de la République de Marseille, lors d’une conférence de presse donnée au côté d’Eric Arella, directeur interrégional de la police judiciaire. Ce dernier a souligné que quatre-vingt-cinq enquêteurs – notamment toute la brigade criminelle – « sont mis à contribution » dans un dispositif identique à celui qui est déclenché en cas d’attentat. Ouverte pour homicides et blessures involontaires, l’enquête est dirigée par le pôle « accidents collectifs » de la juridiction marseillaise. Deux bâtiments adjacents devaient être déconstruits jeudi, par précaution.

Les témoignages recueillis attestent que l’immeuble situé au numéro 65 a bougé avant de s’affaisser. Vers 2 heures du matin, une locataire avait appelé les marins-pompiers, inquiète de voir s’aggraver une fissure dans son appartement. Elle s’était ravisée et avait recontacté les secours pour qu’ils n’interviennent pas. Peu avant l’effondrement, un occupant du troisième étage n’a pas pu ouvrir sa porte, tandis qu’un autre a quitté son domicile sans pouvoir fermer la sienne.

Stabilité « douteuse » d’un plancher

Construits à la fin du XVIIIe siècle, les immeubles de la rue d’Aubagne, une voie en pente du quartier Noailles, ne possèdent pas de murs indépendants, mais s’appuient les uns contre les autres. Le numéro 63 appartenait dans sa totalité, depuis avril 2017, à Marseille Habitat, une société d’économie mixte qui l’avait acquis au terme d’une procédure d’expropriation menée du fait de son état de délabrement et de la carence de la copropriété. Ses ouvertures avaient été murées afin de prévenir l’entrée de squatteurs. La municipalité affirme que, le 1er novembre, ses services se sont assurés qu’il n’était pas occupé.

« Les investigations portent sur l’état de cet immeuble et les risques d’effondrement qu’il pouvait présenter », a indiqué M. Tarabeux.

Le numéro 65, un immeuble de cinq étages composé de dix logements, occupés uniquement par des locataires, avait fait l’objet, le 19 octobre, d’un arrêté de péril grave et imminent, interdisant l’occupation d’un appartement du premier étage. Selon le rapport de l’architecte désigné par le tribunal administratif, au rez-de-chaussée, une cloison séparant l’entrée de l’immeuble et une boutique inoccupée depuis des années, menaçait ruine et constituait un danger pour les occupants. La stabilité d’un plancher du premier étage était qualifiée de « douteuse », sa structure en bois étant « détériorée par l’humidité ».

D’autres désordres étaient notés : des scellements de gonds de volets menaçant de faire chuter ceux-ci sur la chaussée et des « fissures structurelles importantes » sur la façade. Mais les appartements n’étaient pas insalubres, « on n’est pas dans ce qu’on appelle les marchands de sommeil », a précisé le procureur. Les travaux urgents préconisés par l’expert (étaiement du plancher et protection de la cloison de l’entrée) avaient été réalisés le jour même, affirme le syndic de l’immeuble, dont le personnel a été entendu par la police judiciaire.

A l’exception de l’appartement du premier étage, les locataires de l’immeuble avaient été autorisés à regagner leurs logements, après le passage de l’expert judiciaire accompagné des services spécialisés de la ville de Marseille. Dans quelles conditions a été permise cette réintégration ? « Ce point devra être détaillé », selon le procureur qui n’a « pas plus d’éléments à ce sujet ». Un architecte expert judiciaire a été désigné pour établir les causes et la chronologie des événements.