L’usine des Kangoo, à Maubeuge, bénéficiera d’un investissement de 450 millions d’euros, embauchera 200 personnes et produira un nouveau véhicule utilitaire Nissan, a annoncé le PDG de Renault le 8 novembre 2018. / Jean Claude Coutausse/French politicsPour Le Monde

Plutôt qu’un clair de lune, c’est un rayon de soleil à Maubeuge qui aura réchauffé l’itinérance commémorative du centenaire de l’armistice de 1918 voulue par le président Emmanuel Macron. La bonne nouvelle, en ces temps de grogne automobile, a été annoncée par Carlos Ghosn, PDG de Renault et président de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, en présence du président de la République, jeudi 8 novembre, à l’usine Renault de Maubeuge (Nord) où sont fabriquées les Kangoo.

Renault-Maubeuge devient « centre d’excellence » des véhicules utilitaires légers pour toute l’Alliance et, à ce titre, produira, à partir de la mi-2019, un nouveau modèle – le Nissan NV250 – assemblé sur l’actuelle plate-forme servant de base à la fabrication des trois véhicules produits actuellement sur le site : Kangoo, Kangoo électrique et Mercedes Citan. M. Ghosn a également confirmé que l’usine accueillera la nouvelle génération de la « famille » Kangoo. Elle bénéficiera de ce fait d’un investissement de 450 millions d’euros sur cinq ans et 200 collaborateurs seront recrutés en 2019.

Au-delà de l’usine nordiste, Carlos Ghosn a donné le coup d’envoi à une vraie accélération en France de l’Alliance qu’il dirige dans le domaine du véhicule utilitaire. Le patron aux dix millions de voitures vendues dans le monde a annoncé que l’usine de Sandouville (Seine-Maritime), près du Havre, fabriquera un fourgon Mitsubishi sur la plate-forme des Renault Trafic (également déclinés en Fiat et Nissan) qui sont actuellement produits dans l’usine normande. Le nouveau véhicule de l’entreprise japonaise entrée dans l’Alliance en 2017 est destiné aux marchés néo-zélandais et australiens. Selon nos informations, Renault s’est donné pour objectif de démarrer la production en 2020.

Fleuron de l’industrie automobile tricolore

Le but de tout cela est, côté Alliance, de contribuer à l’augmentation des fameuses synergies de coût qui ont déjà permis aux trois entreprises de dégager 5,7 milliards d’économies en 2018. Le plan stratégique Alliance 2022 prévoit d’atteindre 10 milliards d’euros dans quatre ans. L’opération permet aussi de mieux se positionner sur le marché des véhicules utilitaires qui connaît une belle expansion en Europe (+ 3,6 % sur les neuf premiers mois de 2018 par rapport à la même période de 2017). « Cette année, le groupe Renault a annoncé un investissement total de 1,4 milliard d’euros en France pour soutenir deux piliers de croissance : les véhicules électriques et les véhicules utilitaires », a expliqué M. Ghosn devant M. Macron.

Mais retournons à l’usine de Maubeuge. Le chef de l’Etat n’a pas seulement choisi l’endroit parce qu’il se trouve sur son chemin de mémoire. Le site est avant tout un fleuron de l’industrie automobile tricolore. Avec une productivité qui atteint les 100 véhicules par an et par salarié (hors intérimaires), elle est l’usine automobile la plus performante non seulement de Renault en France (et de très loin) mais de toutes les marques implantées industriellement dans l’Hexagone.

M. Ghosn n’a pas manqué de le souligner : « Les usines de Maubeuge et de Sandouville ont apporté la solution la plus attractive grâce à leur compétitivité et à leur capacité à tirer parti des plates-formes communes de l’Alliance. » « Lorsque le plan de compétitivité de Renault Cap 2020 a été signé en 2017, on a demandé aux salariés des usines françaises – en contrepartie d’investissements – d’améliorer la productivité pour parvenir à 90 voitures produites par salarié, ajoute un porte-parole de la marque au losange. Maubeuge avait à l’époque déjà atteint ce chiffre, elle était d’ailleurs notre usine de référence pour fixer l’objectif. »

Qu’est-ce qui fait gagner Maubeuge ? « Les hommes avant tout », répond sans hésiter Olivier Silva, directeur de l’usine. D’ailleurs, la visite présidentielle aura commencé par l’école de dextérité où une dizaine de jeunes gens s’exercent aux techniques – pas si simples – du vissage rapide et répété et par laquelle passent tous les ouvriers (appelés désormais opérateurs) de l’usine. « Le fait d’être la meilleure usine Renault de France et dans le top 10 de l’Alliance crée un cercle vertueux, constate M. Silva. La motivation est naturellement plus grande et davantage partagée. Le climat est bon. Tout cela se constate dans nos chiffres d’absentéisme : moins de 4 %. »

« Nous avons à Maubeuge le souci permanent de résoudre tout de suite et en direct le moindre problème qui pourrait gêner la production ou faire baisser la qualité, explique Patrick Hemmer, directeur des fabrications. Notre credo : le moins de réunions de cadres possibles, un minimum de présentations Powerpoint, mais des managers sur le terrain, au plus près des lignes de production. » Une méthode qui est facilitée par les dimensions relativement petites du site et le fait que l’on n’a pas multiplié des types très différents de véhicules à produire.

Innovations numériques

Ce souci d’intervenir au plus vite in vivo se constate dans les innovations numériques présentées jeudi à Emmanuel Macron, comme ces tablettes connectées qui permettent aux chefs de fabrication de piloter leurs lignes, ou encore ces gros smartphones dont sont équipés les opérateurs des équipes de production. Reliés à des boutons d’alerte placés le long de la ligne de montage, ces appareils facilitent la transmission de l’information sur les défauts de production aux responsables et donc leur résolution ainsi que leur mise en mémoire par un archivage automatique.

« Nous avons à chaque fois été dans les premiers soit à concevoir, soit à nous emparer de ces nouveaux outils », se félicite M. Silva. Exemple au service logistique qui utilise, comme de plus en plus d’usines automobiles il est vrai, des robots porte-chariots qui amènent les pièces pré-triées sur la ligne ou – plus étonnant – qui expérimente un drone autonome capable de faire l’inventaire des pièces stockées sur le site. Tout en mousse pour des raisons de sécurité, l’engin fait gagner dix fois plus de temps que la méthode traditionnelle.

Le résultat, c’est une usine de 2 200 salariés (comprenant environ 600 intérimaires) qui a produit en 2017 plus de 160 000 véhicules (dont près de 10 000 Kangoo électriques) et qui devrait renouer avec un chiffre équivalent cette année. Les deux tiers de la production sont exportés dans plus de 33 pays. Les 25 000 Mercedes Citan sortis des lignes (soit 15 % de la production mondiale de ce modèle), fruit d’un accord stratégique avec Daimler, ont contribué largement à cette balance commerciale positive.