A Saumur, l’ouverture d’un Levrette Café échauffe les esprits
A Saumur, l’ouverture d’un Levrette Café échauffe les esprits
Par Yves Tréca-Durand (Angers, correspondant)
Une pétition lancée par une association baptisée Anjou Patrimoine s’est insurgée contre le projet de bar dans une chapelle du XIIIe siècle.
« Maman, papa, qu’est-ce que ça veut dire levrette ? » Ainsi posée, la question a poussé 2 700 personnes indignées à signer la pétition lancée sur Change.org par une association baptisée « Anjou Patrimoine ». Celle-ci entend s’opposer à l’ouverture d’un Levrette Café dans une chapelle dressée à Saumur (Maine-et-Loire) par les hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem au début du XIIIe siècle.
Cet « afterwork », qui vise à encanailler le chaland à la sortie des bureaux, porte pourtant le nom d’une… bière. Mais Alexandre Rivet n’est pas dupe : « Tout est sexualisé, ils jouent beaucoup sur la connotation. Certes, ce n’est plus un lieu de culte, mais l’ouverture d’un bar de nuit dans un tel monument pose problème. » Proclamé porte-parole d’une association dont les statuts n’ont pas encore été déposés en préfecture, l’intéressé assure que ses jeunes amis et lui (il a 27 ans) ne sont pas des militants politiques, mais agissent « en citoyens ». Il confesse néanmoins une activité de pigiste pour le journal d’extrême droite Présent.
« Provocation »
« Comment la ville de Saumur a-t-elle pu permettre une telle provocation, pour ne pas dire une insulte, tant envers les catholiques que les Saumurois en général ? », interroge la pétition. Le maire (divers gauche), Jackie Goulet, répond sans ciller : « Je n’y vois aucun inconvénient. C’est un lieu désacralisé depuis longtemps qui n’est ouvert que vingt jours par an et qui nous coûte 15 000 à 20 000 euros en entretien. La société V&B, qui m’a fait cette proposition, est hyper-sérieuse, elle va financer 350 000 euros de travaux et paiera jusqu’à 2 400 euros de loyer contre un bail de vingt-cinq ans. Pour la ville de Saumur, c’est un bénéfice de 1,6 million d’euros et la création d’une dizaine d’emplois. »
Avec humour, l’édile assure encore : « C’est une com rigolote. Et moi, tout ce que je connais de la levrette, c’est la bière ! » Les seules inquiétudes qui lui sont revenues aux oreilles sont celles des riverains de cette ruelle située à deux pas de l’hôtel de ville. Eux craignent surtout le tapage nocturne.
Ville d’art et d’histoire, fier bastion de la cavalerie française, la commune de Saumur est propriétaire de 23 monuments historiques, dont l’entretien mobilise environ un million d’euros chaque année. « J’agis dans le sens de l’intérêt général pour maintenir la qualité du patrimoine et dynamiser l’économie locale », s’offusque Jackie Goulet, qui se dit par ailleurs « catho ». A sa suite, le conseil municipal a voté en faveur du projet en septembre avec 28 voix pour et 7 contre.
« Nom plus neutre »
« La plaisanterie, si ça ne se faisait pas, coûterait 1,6 million d’euros à la ville », observe encore M. Goulet, qui souligne qu’à Nantes et Bordeaux nul ne s’est insurgé de l’ouverture des deux premiers Levrette Café. Et qu’à 50 km de là, à Angers, quand il s’est agi de transformer une chapelle en pizzeria puis en night-club, personne n’a trouvé à redire.
Du côté des futurs gérants, le silence succède à l’agacement face à cette publicité inattendue. « La provoc, ça ne sert à rien, conclut le maire. Ils ont accepté d’utiliser un nom plus neutre avec les mêmes initiales, ce sera Le Café. » Fortuitement, une autre pétition est apparue sur les réseaux sociaux depuis mercredi. Celle-ci est, on l’aura compris, favorable au projet et elle a déjà recueilli 390 signatures.