« La Guerre de tous les Français » de Cédric Condon est disponible sur france.tv jusqu’au 14 novembre. / GAUMONT PHOTOS ARCHIVES / GAUMONT PATHE / FRANCE TV

LES CHOIX DE LA MATINALE

Au programme de ce week-end de célébration du centenaire de l’Armistice et de visite de Donald Trump à Paris, le documentaire La Guerre de tous les Français et une plongée dans les coulisses du New York Times depuis l’élection de l’actuel président américain.

Irak, cher pays de mon enfance

Le Parfum d'Irak | Bande Annonce | ARTE
Durée : 01:00

Il s’appelle Feurat Alani. Il est français et irakien ou irakien et français. Son « bled » à lui, c’est l’Irak, qu’il visite pour la première fois en 1989. Il a 9 ans lorsqu’il atterrit à Bagdad, il se rappelle porter une cravate bleue. Feurat fait connaissance avec ses oncles, tantes et autres cousins. La vie est belle, les jeunes flirtent dans les rues, les cafés sont bondés… Bref, Bagdad rayonne, même si le pays est sous le ­contrôle absolu de Saddam Hussein. Au fil des étés, Feurat tombe amoureux de l’Irak ; mais le pays de ses parents va sombrer et se perdre dans des guerres sans fin. L’invasion du Koweït (1990-1991), l’occupation américaine (2003-2011) et une décennie d’embargo ont fini par asphyxier sa seconde patrie.

Feurat voit la misère et le désespoir s’installer dans le pays. Plus grand, devenu journaliste, il décide de s’installer à Bagdad, chez sa tante. Agé de 24 ans, il couvre pour la presse française l’invasion américaine et le chaos qui arrive avec les djihadistes d’Al-Qaida et de l’organisation Etat islamique (EI). Feurat Alani a choisi de se livrer dans une sublime websérie. Mélancolique, poétique, chacun des vingt volets (de deux à trois minutes) raconte un souvenir précis illustré par une animation puissante et poétique. Le Parfum d’Irak dépeint majestueusement une vision oubliée du monde arabe, généreuse et riche, joyeuse et libre… Mustapha Kessous

« Le Parfum d’Irak », de Feurat Alani et Léonard Cohen (France, 2018, 20 × 2 à 3 min). Disponible sur arte.tv et en livre (Arte Editions/Editions Nova, 176 p., 19 €)

Drôle de « dames »

La réalisatrice américaine Liz Garbus a pendant un an posé ses caméras dans la rédaction du New York Times. / ALETHEIA FILMS LLC

Le New York Times n’a jamais fait de cadeau à Donald Trump. Depuis l’ascension du magnat de l’immobilier dans les années 1970, le vénérable quotidien n’a cessé d’enquêter sur ses affaires, laissant toutefois le soin aux tabloïds new-yorkais et aux magazines people de faire leurs choux gras de ses frasques extraconjugales. Ses incursions en politique ayant toutes échoué, pas un journaliste de la « Dame grise », comme le quotidien était surnommé autrefois, ne s’attendait à ce qu’il remporte l’investiture du Parti républicain en juillet 2016, encore moins l’élection présidentielle, quatre mois plus tard.

Pas même Maggie Haberman, qui a suivi Donald Trump pendant vingt ans, d’abord au New York Post puis au New York Times. La journaliste avait promis à ses enfants qu’ils « retrouveraient » leur mère après l’élection. Depuis le 20 janvier 2017, jour de l’investiture du quarante-cinquième président des Etats-Unis, elle n’a, au contraire, pas eu une minute de repos.

Exigeant de ses troupes une couverture toujours plus agressive des moindres faits et gestes du président, Dean Baquet, le rédacteur en chef, ne se montre pas moins soucieux d’incarner un journalisme honnête, indépendant et transparent. C’est ainsi que la « Dame grise » a ouvert ses portes à la réalisatrice américaine Liz Garbus pendant la première année de la présidence Trump. Sa caméra montre l’envers du décor : le sourcilleux travail de recoupage des sources, les échanges tendus avec les fans de Trump, les entretiens privilégiés avec Steve Bannon, les bouclages fiévreux, mais aussi les rapports de force entre la direction de New York et le bureau de Washington au moment de titrer l’édition du lendemain. Ce documentaire en quatre épisodes de 55 minutes chacun, monté comme une série à couper le souffle, donne à voir un journal conquérant qui encaisse les coups. Antoine Flandrin

« Mission vérité - Le “New York Times” et Donald Trump » , de Liz Garbus (Etats-Unis, 2018, 4 × 55 min). Disponible sur arte.tv jusqu’au 5 décembre.

Les sans-grade victorieux

La guerre de tous les français Bande-Annonce FTV
Durée : 00:37

Dans le flot des programmes diffusés à l’occasion du centenaire de l’Armistice, ce documentaire sort du lot. A la fois par son thème (la guerre de 14-18 vécue à l’arrière par la population civile française) et par ses trouvailles techniques. Car si l’on a pris l’habitude de documentaires historiques colorisés et sonorisés, le réalisateur, Cédric Condon, s’appuyant sur le travail des scénaristes Jean-Yves Le Naour et Adila Bennedjaï-Zou, s’est emparé d’archives multiples (extraits de films, correspondances d’une adolescente, du député Abel Ferry, du maire de Mende Emile Joly, photos, scènes reconstituées) en les mêlant habilement.

C’est ainsi que des archives photographiques prennent vie grâce à des effets numériques et à l’incrustation d’un acteur parfaitement intégré. A l’arrivée, une cinquantaine de « photos fictions » donnent à ce documentaire rythme et émotions. Au-delà de la performance technique, c’est bien le thème qui donne à ce programme sa force. Les poilus laissent ici place à leurs épouses, parents, enfants. Car cette guerre totale, cette guerre d’usure, c’est aussi celle des ouvrières, des infirmières, des ingénieurs, des médecins, des ouvriers spécialisés rappelés du front pour faire tourner la machine de guerre. Dans les champs, les usines, les écoles, on vit aussi la guerre à sa façon.

Rien n’est éludé : problèmes de loyers impayés par des femmes dont les hommes sont au front, harcèlement des ouvrières dans les usines, rationnement, enrichissement des grands industriels, peur de l’adultère, délinquance juvénile en forte hausse, la France découvre qu’elle est une société de classes, bien cabossée. Alain Constant

« La Guerre de tous les Français », de Cédric Condon, Jean-Yves Le Naour et Adila Bennedjaï-Zou (Fr., 2018, 95 min). Disponible sur france.tv jusqu’au 14 novembre.