Il fuit célébrations et mondanités sans oublier les anniversaires jalonnant son singulier parcours. Hubert-Félix Thiéfaine est reparti pendant cinq semaines sur les routes de France pour fêter ses « 40 ans de chansons », tournée accompagnée de la ré­édition en vinyle de ses 17 albums studio et d’une nouvelle compilation. Le néoseptuagénaire a effectué le 9 novembre une troisième halte au Palais omnisports de Paris-Bercy (rebaptisé AccorHotels Arena de Paris), la première fois, c’était en 1998 pour ses deux décennies d’activité phonographique. Une jauge étonnante pour ce chanteur hors du temps numérique, qu’on ne voit pratiquement jamais à la télé­vision et qu’on n’entend guère plus à la radio. Flanqué en outre d’un prénom à coucher ­dehors et d’un patronyme souvent estropié et mal orthographié.

Au programme : « Eloge de la tristesse », dérèglement des sens, Eros morbide et Thanatos joyeux

C’est que le Jurassien monté à Paris à une époque jurassique (les cabarets montmartrois de l’après-68) aime aussi les chiffres, sinon la numérologie. Il en a imprégné ses chansons comme l’attestent, dans un tour de chant rétrospectif frôlant les trois heures, L’ascenseur de 22 h 43, Enfermé dans les cabinets (avec la fille des 80 chasseurs) – revisité en disco –, Alligators 427 (décliné en metal) ou Exercice de simple provocation avec 33 fois le mot coupable. Des textes puisant dans le symbolisme et le surréalisme, le flot de mots façon Ferré ou les miettes hallucinées du Festin nu de Burroughs. Au programme : Eloge de la tristesse, dérèglement des sens, Eros morbide et Thanatos joyeux. Tout ce qui condamne d’ordinaire au cachot des poètes maudits. Quand Thiéfaine remplit les Zénith après avoir vendu 5 millions d’albums.

Pour la peine, il s’offre donc une grand-messe rock. Entouré de neuf musiciens, avec mur de guitares, nappes de claviers, attaques en piqué de violoncelles et saxophone baryton soufflant une fureur free. La rumeur prétend que Thiéfaine chanterait faux. C’est faux. Sa voix s’élève, pleine, puissante, dramatique. Sans le moindre effort de séduction, il peut, dans un rare moment de légèreté, observer de nouvelles têtes communier avec les anciens sur La Fille du coupeur de joint. Marginal dans le paysage de la chanson française, Thiéfaine savoure sa victoire. Comme il l’a si bien formulé dans Les Dingues et les paumés (1982), « la solitude n’est plus une maladie honteuse ».

Hubert-Félix Thiéfaine - Angélus (Clipo)
Durée : 03:20

Le 14 novembre à Lyon (Halle Tony Garnier), le 16 à Toulouse (Zénith), le 17 à Clermont (Zénith), le 18 à Montpellier (Zénith). www.thiefaine.com/concerts