A Khan Younès, le 12 novembre. / SUHAIB SALEM / REUTERS

Le calme à Gaza ne fut qu’un bref interlude. Le retour de l’électricité dans l’enclave palestinienne et la distribution de millions de dollars par le Qatar pour payer des livraisons de fioul et les salaires des fonctionnaires laissaient augurer le début d’un apaisement après des mois de tensions avec Israël. Mais l’escalade survenue dans la nuit du dimanche 11 au lundi 12 novembre entre le Hamas, qui contrôle l’enclave, et l’Etat hébreu compromet une nouvelle fois les efforts de l’Egypte pour parvenir à une trêve entre les deux parties.

Sept Palestiniens ont été tués, selon le dernier bilan du ministère de la santé à Gaza, lors d’un échange de tirs avec l’armée israélienne dans le sud de l’enclave. Parmi eux, un haut commandant de la branche armée du mouvement islamiste, Nour Baraka, qui dirigeait les Brigades Al-Qassam à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza. Plus tard dans la soirée, l’armée israélienne annonçait la mort d’un de ses soldats, un lieutenant-colonel. Un autre officier, blessé, a été transféré en soins intensifs dans un établissement à Beer-Sheva.

« Une lâche agression »

« L’armée israélienne effectuait une opération spéciale dans Gaza, un échange de tirs s’en est suivi. Tous les soldats israéliens sont de retour en Israël », avait d’abord assuré dans la soirée son porte-parole, Jonathan Conricus, démentant l’enlèvement d’un soldat, alors que la rumeur circulait sur les réseaux sociaux.

Selon un communiqué des Brigades Al-Qassam publié dans la nuit, les forces spéciales israéliennes seraient entrées près de Khan Younès, à bord d’un véhicule civil, afin de tuer Nour Baraka. Les échanges de tirs ont eu lieu après qu’elles ont été repérées. Au même moment, l’aviation israélienne aurait bombardé la zone, pour couvrir le repli de ses soldats, tuant plusieurs Palestiniens, dont Nour Baraka.

Par la suite, dix-sept projectiles auraient été lancés sur Israël depuis Gaza, selon l’armée israélienne : le système de défense aérienne du Dôme de fer en aurait intercepté trois. Les sirènes ont retenti une partie de la nuit dans le sud d’Israël, enjoignant aux habitants de rester en sécurité dans les abris.

Fawzi Barhoum, le porte-parole du Hamas, a dénoncé « une lâche agression israélienne », en précisant que la résistance palestinienne serait prête à répondre. Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, est rentré dans la nuit de dimanche à lundi en Israël, écourtant son séjour en France pour les commémorations du centenaire de la première guerre mondiale et annulant une rencontre avec le président Macron.

L’opération intervient alors que la situation à Gaza semblait s’apaiser. Chacun s’était engagé à des compromis

Lundi matin, la nature de la mission menée par l’armée israélienne faisait encore l’objet de spéculations. Jonathan Conricus assurait que cette « opération spéciale ne visait pas à enlever ou assassiner des terroristes [du Hamas], mais à renforcer la sécurité israélienne ». Quel qu’en soit le motif, l’opération aurait en tout cas mal tourné. « [Nos] forces ont livré une bataille héroïque et très complexe », a-t-il ajouté.

L’opération intervient alors que la situation à Gaza semblait enfin s’apaiser. Les négociations indirectes entre Israël et le Hamas avaient permis d’envisager un accord de cessez-le-feu entre les deux parties, et chacun s’était engagé à faire des compromis. Le Caire avait obtenu du Hamas la baisse significative de l’intensité des manifestations de la Marche du retour, commencée le 30 mars, et des attaques frontalières en marge de ces rassemblements.

De son côté, pour alléger la situation humanitaire dans l’enclave, Israël avait permis, dès le 9 octobre et en coordination avec l’ONU, la livraison de fioul destiné à la seule centrale électrique de la bande de Gaza. Le Qatar s’était engagé à payer la facture, qui s’élève à 60 millions de dollars (53 millions d’euros).

Le 8 novembre, les autorités israéliennes avaient encore autorisé un émissaire du Qatar, Mohammed Al-Emadi, à passer par le point de passage d’Erez, avec 15 millions de dollars en cash, afin de payer les salaires des 22 000 fonctionnaires civils du Hamas. Ce qui a suscité en Israël les critiques de l’opposition ainsi que de ministres de la coalition, qui ont accusé Benyamin Nétanyahou de céder au Hamas.

Le 11 novembre à Paris, M. Nétanyahou a justifié cette décision. « Nous visons le calme, puis un accord. Nous n’y sommes pas encore. La décision d’aller de l’avant avec ce processus est la bonne », a-t-il ajouté, assurant vouloir « empêcher une guerre inutile ». Un pari politiquement risqué. Pour lui comme pour le chef du Hamas, Yahya Sinwar.