Rachida Brakni : « Je n’ai jamais attendu que le téléphone sonne »
Rachida Brakni : « Je n’ai jamais attendu que le téléphone sonne »
Propos recueillis par Léa Iribarnegaray
Comment percer dans le théâtre lorsqu’on n’a aucun réseau ? Il faut savoir se retrousser les manches, rencontrer des gens et se nourrir intellectuellement, raconte l’actrice Rachida Brakni. L’actrice, qui sera sur scène dans la pièce « J’ai pris mon père sur mes épaules », revient sur son parcours, du Conservatoire à la réalisation d’un film.
L’actrice française Rachida Brakni avant un concert lors du 41e festival de musique rock et pop Le Printemps de Bourges, à Bourges le 22 avril 2017. / GUILLAUME SOUVANT / AFP
Elle parle vite et beaucoup, Rachida Brakni. Au téléphone, sur les pentes abruptes de Lisbonne où elle habite, la comédienne reprend régulièrement son souffle : à 41 ans, elle est aussi metteure en scène, réalisatrice pour le cinéma, et chanteuse avec le duo Lady Sir qu’elle forme avec Gaëtan Roussel. En 2019, elle sera sur scène dans la pièce J’ai pris mon père sur mes épaules, un texte écrit par Fabrice Melquiot et mis en scène par Arnaud Meunier (plusieurs dates en France). De son parcours exemplaire au théâtre – Conservatoire national puis Comédie-Française –, Rachida Brakni retient un élément fondamental : le travail, incessant.
Qu’est-ce qui vous a fait prendre le chemin du théâtre ?
C’est un peu par hasard que je suis devenue comédienne. Au lycée, j’étais passionnée par le droit et les grands orateurs : je me suis inscrite en cours de théâtre en pensant à mes futures plaidoiries. J’ai alors découvert les textes fondateurs qui m’étaient étrangers – Shakespeare, Racine, Corneille… – et j’ai aimé être sur un plateau, embrasser ce rapport à la langue qui est si beau.
Tout est parti d’un accident, finalement. J’avais toujours rêvé d’être une grande avocate pénale. Cette découverte du théâtre s’est transformée en un mini-séisme dans ma vie : sans m’avouer cette nouvelle passion, j’avais comme un mauvais pressentiment lié à la précarité du métier. Etant donné mon histoire familiale – un père routier et une mère femme de ménage, tous les deux Algériens ne lisant pas le français –, je sentais que je n’avais pas le droit de faire ça à mes parents, qui s’étaient beaucoup sacrifiés pour moi.
Vous avez pensé abandonner ?
Après mon bac L, je me suis inscrite en fac d’histoire pour mener de front les études et le théâtre, au cas où je ne réussirais pas à entrer dans une grande école nationale. Aujourd’hui, je trouve ça stupide. Il ne me viendrait jamais à l’idée de dire à un gamin d’assurer ses arrières s’il rêve d’être comédien ! Il faut juste qu’il sache si c’est véritablement sa passion. Mais heureusement qu’on ne devient pas acteur uniquement en passant par le Conservatoire national d’art dramatique (CNSAD) ou le Théâtre national de Strasbourg (TNS).
J’ai passé une première fois le concours du Conservatoire, que j’ai raté lamentablement ! Et pour dire que tout est possible, la seconde fois je l’ai eu à l’unanimité du jury. Ensuite, les choses ont avancé d’elles-mêmes. En sortant du Conservatoire, je suis entrée à la Comédie-Française. J’avais 23 ans, j’étais trop jeune pour cette maison et son mode de fonctionnement, même s’il y a des acteurs merveilleux. Je n’y suis restée que deux ans et demi.
Malgré tout, cela peut aider de passer par une grande école.
Grande école ou pas, peu importe. Je pense que cela fait simplement gagner quelques années, parce qu’on a plus de chance d’être remarqué par des professionnels. Quand je regarde ma promotion du CNSAD : sur 30 élèves, certains continuent, d’autres galèrent ou ont changé de voie. A contrario, des acteurs ou metteurs en scène réussissent très bien sans être passés par là.
Le danger, quand on arrive au Conservatoire, c’est la fumisterie. Une partie des étudiants imagine être déjà arrivée au sommet. Or, le théâtre, c’est un métier de travail et de rencontres. Il faut savoir initier les projets, se retrousser les manches et aller au charbon. Je n’ai jamais attendu que le téléphone sonne. J’ai réalisé mon premier film en 2016 et je regrette de ne pas l’avoir fait plus tôt. A présent, je fais de la mise en scène, j’ai aussi mon groupe de musique, j’adore toutes ces passerelles et modes d’expression différents. Les filles surtout, si vous avez envie de raconter des histoires, faites-le ! Il y a moins de rôles intéressants pour les femmes, et en vieillissant ça se réduit comme une peau de chagrin. Alors affirmez, imposez votre désir !
Justement, quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui veulent devenir comédiens ?
Je ne veux pas avoir l’air péremptoire, mais quand je croise des gamins, je leur parle systématiquement de travail, de culture, de curiosité. Comme un danseur qui doit travailler son corps ou un musicien ses gammes, l’acteur a besoin d’éprouver ses outils, ses gestes, sa voix, mais aussi de se nourrir de spectacles, de films, de lectures. On m’a souvent dit que j’avais eu de la chance d’emprunter la voie royale. Certes, mais il reste une forme de justice : si on ne travaille pas, le temps remet les choses à leur niveau. Au théâtre, on est tributaire du désir de l’autre. On traverse des moments de doutes, des traversées du désert, c’est normal. Dans ce métier en dents de scie, parfois d’une violence inouïe, il me semble important de regarder le temps long, de penser en termes de parcours, de chemin de vie… Et voilà, finalement je parle comme une vieille ! On dirait Tatie Danièle !
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Vous pourrez y rencontrer les écoles et vous faire une idée des différents cursus en design, mode, cinéma, audiovisuel, arts plastiques, etc. Des conférences thématiques seront animées par des journalistes du Monde et de Télérama. Egalement au programme de ce week-end, des ateliers et des performances artistiques.
Le salon est précédé de la parution, dans Le Monde daté du 28 novembre 2018 et sur Lemonde.fr/ecoles-d-art, d’un supplément consacré aux formations artistiques.
Entrée gratuite, préinscription (recommandée) et programme ici