Volkswagen procède à un investissement record pour se construire un avenir électrique
Volkswagen procède à un investissement record pour se construire un avenir électrique
LE MONDE ECONOMIE
Le groupe aux douze marques va débourser, d’ici à fin 2023, 44 milliards d’euros en faveur du développement de la voiture du futur, électrique, autonome et connectée.
Une Volkswagen e-Golf électrique, à Dresde (Saxe), en mars 2017. / Fabrizio Bensch / REUTERS
C’est une annonce à la mesure d’une entreprise aux 12 marques, aux près de 11 millions de voitures vendues et aux 231 milliards d’euros de chiffre d’affaires réalisés en 2017. Le groupe Volkswagen (Volkswagen, Audi, Porsche, Skoda, Seat…) envisage d’investir, au cours des cinq prochaines années, 44 milliards d’euros dans le développement de véhicules électriques, autonomes et connectés, ainsi que dans les services de mobilité qui vont de pair.
Cet investissement – l’équivalent de deux fois et demie les profits de 2017 – constituera le plus gros effort financier jamais consacré par un constructeur à la voiture du futur. Il représentera environ un tiers de l’ensemble des investissements du groupe pour la période 2019-2023, a annoncé Herbert Diess, le président du directoire du groupe allemand, vendredi 16 novembre, à l’issue d’une réunion de son conseil de surveillance. L’accent sera mis en particulier sur les véhicules électriques. De fait, pas moins de 30 milliards d’euros concerneront uniquement l’électrification des modèles, a précisé M. Diess.
Avec cette annonce de grande envergure, Volkswagen tire un trait sur les trois années cauchemardesques liées au scandale du « dieselgate ». En septembre 2015, le monde apprenait, stupéfait, que le géant de l’automobile avait triché aux tests antipollution à l’aide d’un logiciel truqueur qui faisait passer les modèles du groupe pour moins polluants qu’ils ne l’étaient en réalité.
Depuis, le tsunami du « dieselgate » a emporté deux présidents (Ferdinand Piëch et Matthias Müller), envoyé un patron d’Audi (Rupert Stadler) en détention provisoire, réduit en fumée 50 milliards d’euros de valeur boursière et coûté au groupe 28 milliards de frais de justice, amendes et indemnisations diverses.
Cette page sombre semble désormais tournée, même si des nuages demeurent à l’horizon. Le groupe Volkswagen connaît de sérieuses difficultés d’adaptation de ses moteurs aux nouvelles normes européennes et les voitures roulant au gazole sont menacées de bannissement en Allemagne. Les décisions de justice interdisant la circulation des véhicules diesels là où les normes de pollution ne sont pas respectées s’y sont multipliées. Une portion d’autoroute très fréquentée dans la Ruhr, l’A40, ne peut plus être empruntée à la suite d’une décision de justice rendue jeudi 15 novembre. Tout un symbole outre-Rhin…
Réorganisation industrielle d’ampleur
D’un côté, l’urgence d’en finir avec le moteur thermique, de l’autre une entreprise qui retrouve des marges de manœuvre : l’annonce du jour a une certaine logique. Elle s’accompagne d’une réorganisation industrielle d’ampleur. Le mastodonte de l’automobile mise sur sa nouvelle plate-forme multimarque (dite MEB) de production de véhicules électriques. Le groupe compte passer des 6 modèles électriques actuels à plus de 50 d’ici à 2025. Un premier devrait sortir en 2020 de la plate-forme MEB, une compacte offrant « 550 kilomètres d’autonomie pour le prix d’une Golf diesel », a déclaré Herbert Diess.
Trois usines allemandes vont être restructurées pour accueillir des chaînes de production tout- électrique à Emden et Hanovre (Basse-Saxe) et en partage avec des véhicules thermiques à Zwickau (Saxe). Dans un jeu de dominos industriel, les modèles Passat fabriqués aujourd’hui à Emden seront transférés à partir de 2023 à l’usine de Kvasiny, en République tchèque, où sont produits des modèles Skoda et des Seat. Une partie des productions actuelles de Kvasiny seront en conséquence délocalisées dans une nouvelle usine multimarque en Europe de l’Est, pour laquelle le groupe est en train de chercher un emplacement.
Les salariés du groupe seront mis à contribution. Volkswagen veut accroître la productivité dans ses usines de 30 % d’ici à 2025 en assemblant davantage de véhicules de marques différentes sur les mêmes plates-formes de production. « Volkswagen doit devenir plus efficace, plus productif et plus rentable afin de financer les énormes dépenses à venir et rester compétitif », a insisté M. Diess.
Reste la question sociale. Les syndicats, qui contrôlent la moitié des sièges au conseil de surveillance de Volkswagen, doivent encore approuver ce plan. Or un fait inquiète les représentants des salariés du groupe Volkswagen, mais aussi de tous les constructeurs : l’assemblage des voitures électriques nécessite moins de main-d’œuvre que celles à moteur thermique. Une statistique permet de mesurer le bouleversement productif à venir : une motorisation à combustion interne nécessite 1 400 composants, son équivalent électrique, seulement 200.
La direction de Volkswagen a promis une garantie d’emploi de dix ans aux salariés dans les usines concernées par l’électrification. « La transition vers le véhicule électrique implique moins d’emplois, nous ne l’avons jamais caché, a déclaré Bernd Osterloh, président du comité d’entreprise et membre du conseil de surveillance du groupe. Mais il n’y aura pas de licenciement, l’ajustement se fera par la seule évolution démographique afin que personne ne perde son emploi. »
Plan de transition environnemental à l’étude chez PSA
Le groupe PSA devrait présenter, au cours du premier semestre 2019, un « plan stratégique de transition vers les mobilités de demain », a expliqué au Monde un participant au comité paritaire stratégique du constructeur français, qui s’est tenu vendredi 16 novembre. « Le directeur des ressources humaines, Xavier Chéreau, n’a pas apporté de réponses précises à nos inquiétudes sur l’impact social de l’électrification des modèles ni sur les effets des objectifs européens en matière de CO2, a relaté ce témoin. Il nous a en revanche appris que le comité exécutif travaillait activement sur ces questions et qu’un plan permettant de les résoudre était en préparation. » Une négociation sociale, devant aboutir à un nouvel accord de compétitivité syndicats-direction, qui prendrait en compte cette nouvelle donne environnementale, pourrait également se tenir.