Détourné en drogue récréative dans les années 1960, le LSD a eu une influence essentielle sur de nombreux courants artistiques de l’époque, et jusqu’à aujourd’hui. La musique, parce qu’elle se prête particulièrement aux effets synesthésiques (les sens qui se mélangent) est sûrement l’art qui sera le plus touché. Pour les 80 ans de sa synthétisation, voici une playlist pour éveiller les sens de nos lecteurs.

Certaines de ces chansons furent bannies des ondes lors de leur sortie, comme Eight miles high des Byrds, en 1966, ou Lucy in the sky with diamonds des Beatles. La BBC jugea en 1967 que c’était une incitation à la consommation du LSD, ce que le groupe niera toujours.

  • Revolver : les Beatles font leur « album de l’acide »

« Si Rubber Soul était l’album de l’herbe, Revolver est celui de l’acide », disait John Lennon. Sorti en 1966, l’année suivant les premières expériences sous LSD des Beatles, cet album radicalement innovant se veut un voyage psychédélique pour l’auditeur. Tomorrow never knows fait notamment référence à un texte du sulfureux « pape du LSD », Timothy Leary.

  • Les Beach Boys vibrent sous LSD

En octobre 1966, les Beach Boys ont sorti leur chef-d’œuvre Pet Sounds depuis quelques mois lorsqu’ils dévoilent un single inédit : Good Vibrations. Brian Wilson, 24 ans, vient de passer six semaines en studio pour terminer ce morceau d’une complexité incroyable.

À l’époque, il ne cache pas sa passion pour le LSD, allègrement consommé lors des longues sessions en studio. « D’abord, ma créativité a augmenté au-delà de mes espérances. D’un autre côté, ça a foutu en l’air mon cerveau », racontera en 2011 un Brian Wilson souffrant de troubles mentaux.

  • Alice au Pays du LSD, avec Jefferson Airplane

Lorsque la chanteuse Grace Slick écrit « White Rabbit » pour son premier groupe, The Great Society, le LSD vit ses derniers mois de légalité à San Francisco. La chanson sera reprise par Jefferson Airplane lorsqu’elle rejoindra le groupe. Elle deviendra même l’un de ses classiques, avec ses références à Alice au Pays des Merveilles et, comme le dit Slick, « toutes ces histoires pour enfants où il faut prendre une sorte de substance pour avoir une aventure ».

  • France Gall et les ravages du LSD

Il est plutôt question de ravages artistiques. Teenie Weenie Boppie sort en 1968, deux ans après l’interdiction du LSD en France. Le titre est écrit par Serge Gainsbourg alors que la substance est encore à son zénith de popularité culturelle. « Teenie Weenie a pris du LSD/Un Sucre et la voici/Au Bord de la folie », chante France Gall d’une voix sucrée. On vous recommande le clip, où France Gall est « en plein trip » pendant neuf minutes (!!), entourée par des chorégraphes... déchaînés.

  • The Who, le Magic bus et les « acid tests »

Dans ce titre sorti en 1968, les Britanniques évoquent un « bus magique » bien connu de la contre-culture psychédélique : celui des Merry Pranksters et de l’écrivain Ken Kesey (auteur de Vol au-dessus d’un nid de coucou) qui parcoururent les Etats-Unis à bord du véhicule multicolore. Convaincus que le LSD permettait d’atteindre des niveaux supérieurs de conscience, les « joyeux lurons » organisent des « acid tests » où des doses sont distribuées gratuitement.

  • Pink Floyd, Syd Barrett et la cruelle absence

L’enregistrement de l’album Wish You Were en 1974 se fait dans la foulée de l’immense succès de Dark Side of The Moon. Pink Floyd n’est plus le petit groupe des débuts, c’est un monstre du rock. Comme pour garder un lien avec le passé, et avec leur ancien leader Syd Barrett – cramé par une consommation excessive de LSD – le groupe dédie cet album à l’absence de leur ami, « en espérant qu’il fût là ». Barrett passera même dans les studios d’enregistrement, mais il était si coupé de la réalité que ça ne donnera rien musicalement. Roger Waters se souviendra de ce passage dans Shine on You Crazy Diamond lorsqu’il écrira : « Now there’s a look in your eye, like black holes in the sky » (« Et maintenant tes yeux, ressemblent à des trous noirs dans le ciel »).

  • Bobby Beausoleil et le versant sombre du psychédélisme

Comme il le disait il y a quelques années à Libération, Bobby Beausoleil se considère comme « un musicien, avant d’être un meurtrier ». En 1970, le jeune homme gravite autour de la Famille de Charles Manson. Pour avoir poignardé à mort un homme, il est condamné à la prison à vie. C’est là qu’il reprendra les instruments et composera, dans les années 1980, la bande originale du court-métrage de Kenneth Anger, Lucifer Rising. Une musique qui pourrait aussi bien être la bande originale du versant glauque du psychédélisme, quand le « flower power » se fane et laisse apparaître une réalité moins colorée.

  • L$D : A$AP Rocky et le rap psychédélique

En 2015, le rappeur américain dévoile une ode sans ambiguïté au LSD. Dans son texte, la drogue psychédélique prend l’apparence d’une femme attirante. Le clip s’inspire par ailleurs de l’esthétique colorée d’Enter the void du réalisateur français Gaspard Noé.

A$AP Rocky - L$D (LOVE x $EX x DREAMS)
Durée : 05:28

Substances et dépendances

Chaque jour, des millions de personnes de tous les milieux, de tous les âges, prennent des milliers de substances, aux origines et aux fabrications multiples, dont certaines sont illégales. Mais les drogues interdites aujourd’hui ne l’étaient pas hier, et ne le seront peut-être plus demain. Cette rubrique explorera ces modes de consommation, les plaisirs qu’ils procurent, les problèmes qu’ils provoquent.