Des journalistes réunis devant le siège de Nissan à Yokohama, au Japon, le 22 novembre. / TORU HANAI / REUTERS

Le conseil d’administration du géant de l’automobile Nissan se réunit jeudi 22 novembre pour limoger son emblématique président Carlos Ghosn, détenu à Tokyo pour des malversations présumées, une déchéance jusque-là inimaginable pour l’homme qui a sauvé le constructeur japonais. La réunion doit débuter en milieu d’après-midi (jeudi matin, heure de Paris) au siège du groupe à Yokohama, en banlieue de la capitale japonaise, pour une durée de deux heures environ.

Derrière les portes closes, six hommes et une femme vont décider du sort du tout-puissant patron du numéro un mondial de l’automobile Renault-Nissan-Mitsubishi Motors, dont la vie a brusquement basculé quand son avion s’est posé lundi au Japon. Aussitôt arrêté, Carlos Ghosn est resté silencieux depuis, dans sa cellule d’un centre de détention de Tokyo, pendant que son règne est mis en pièces.

Nissan, firme où sa formidable épopée de bâtisseur d’un empire a débuté en 1999, s’apprête à lui porter le coup de grâce en lui enlevant son titre de président de conseil d’administration. Selon une source proche de la direction, tout autre scénario est improbable. « La proposition n’aurait pas été soumise au vote s’il y avait eu le moindre doute », souffle-t-elle.

C’est Hiroto Saikawa, patron exécutif du constructeur depuis avril 2017, qui dirigera les débats. La décision sera ensuite prise à main levée. Quatre votes suffiront à évincer le maître. Son remplaçant par intérim devrait être nommé, probablement M. Saikawa, ancien dauphin de M. Ghosn qui a mené lundi soir une charge d’une étonnante violence contre son ancien mentor.

Révélations en cascade

Au même moment se tiendra une conférence de presse du parquet, alors que pleuvent les révélations dans les médias japonais sur les méfaits dont se serait rendu coupable le magnat de 64 ans. Officiellement, le Franco-Libano-Brésilien est accusé d’avoir, avec des complices, « minimisé sa rétribution à cinq reprises entre juin 2011 et juin 2015 », en déclarant une somme totale de 4,9 milliards de yens (environ 37 millions d’euros) au lieu de près de 10 milliards de yens.

Mais il est aussi soupçonné d’abus de biens sociaux, d’après les résultats de l’enquête interne conduite par Nissan au cours des derniers mois. Mercredi, le tribunal de Tokyo a décidé de prolonger de 10 jours sa garde à vue afin de poursuivre les investigations. Et sa détention pourrait se prolonger bien au-delà, en vertu des règles du système judiciaire japonais.

Du côté des autres membres d’une alliance forte de 450 000 hommes, Mitsubishi Motors (MMC) prévoit également de « démettre rapidement » son président. Un conseil doit se tenir la semaine prochaine, selon un porte-parole de la société. Chez Renault, la prudence est pour l’instant de mise. Le conseil d’administration a demandé à Nissan « de lui transmettre l’ensemble des informations en sa possession dans le cadre des investigations internes dont M. Ghosn a fait l’objet ».

Partenariat en question

Estimant ne pas être en mesure de se prononcer sur le fond de l’affaire, le constructeur français a pris des mesures pour assurer l’intérim, confié au numéro deux de l’entreprise, Thierry Bolloré. Le gouvernement français tentait mercredi de se montrer rassurant quant à l’avenir du constructeur au losange, dont l’Etat détient 15%.

Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, a ainsi assuré, devant la presse à Paris, qu’une gouvernance « solide » mais « provisoire » était en place afin de permettre au constructeur français de poursuivre ses activités. Il doit rencontrer jeudi après-midi son homologue japonais, Hiroshige Seko, pour évoquer la pérennité du partenariat ainsi que sa « prolongation ».

Si, au Japon, les propos sont en surface rassurants, la presse locale bruit de déclarations anonymes de responsables de Nissan affirmant que le groupe veut revoir la structure de l’alliance, « condition nécessaire pour qu’elle continue », selon l’un d’eux. L’objectif serait de revoir les participations croisées : Renault détient 43 % de Nissan, mais le japonais, qui domine son allié en termes de chiffre d’affaires, n’en possède que 15 %, une situation qui provoque depuis longtemps des rancœurs dans l’Archipel.

Selon le quotidien économique Nikkei, qui cite un dirigeant de Nissan, Carlos Ghosn cherchait à intégrer les deux groupes, et « il était possible qu’un plan concret soit prêt au printemps prochain », mais cette fusion est ouvertement rejetée par M. Saikawa.

Quand Carlos Ghosn défendait son salaire
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