Transition énergétique : les ONG et l’opposition jugent sévèrement le discours de Macron
Transition énergétique : les ONG et l’opposition jugent sévèrement le discours de Macron
Le Monde.fr avec AFP et Reuters
Les associations dénoncent un « recul », voire une soumission « devant le lobby nucléaire ». Pour les politiques, le président n’a pas entendu les Français.
Transition énergétique : les annonces à retenir du discours d’Emmanuel Macron
Durée : 04:45
Après le discours du chef de l’Etat, qui s’est exprimé, mardi 27 novembre, depuis l’Elysée pour redonner le cap de la transition écologique et tenter de trouver une sortie de crise au mouvement des « gilets jaunes », les réactions politiques et issues d’ONG n’ont pas tardé. Emmanuel Macron a annoncé jusqu’à six nouvelles fermetures de réacteurs nucléaires d’ici 2030, moins que ce qu’espéraient les écologistes, et un essor des énergies renouvelables.
- Du côté des ONG
C’est « le statu quo sur l’ère du nucléaire » et un « recul » sur les objectifs de fermeture, a déploré Audrey Pulvar, présidente de la Fondation pour la nature et l’homme (FNH), créée par l’ancien ministre de la transition écologique Nicolas Hulot. Le président « ouvre la porte à de nouveaux EPR », a-t-elle dénoncé dans un communiqué.
Le directeur général de Greenpeace France, Jean-François Julliard, regrette dans un communiqué une « réponse [qui] n’est pas à la hauteur de l’urgence » :
« La France persiste à présenter l’énergie nucléaire comme une alternative aux énergies fossiles, alors qu’elle n’est ni propre, ni peu coûteuse et ne garantit en aucun cas notre indépendance énergétique. »
A quelques jours de l’ouverture de la COP24 et quelques semaines après la sortie du rapport alarmiste du GIEC, la France choisit de se décrédibiliser sur la scène internationale, affirme l’association dans un autre communiqué.
« Comme ses prédécesseurs, Emmanuel Macron recule devant la nécessité d’engager les mesures structurantes de transition énergétique pour lesquelles les solutions existent déjà et de nombreux acteurs de terrain sont mobilisés », regrette, de son côté, le directeur du CLER - Réseau pour la transition énergétique, Jean-Baptiste Lebrun.
Pour lui, le président « ne s’attaque pas aux causes réelles du problème et des factures des Français, comme les consommations trop élevées des 27 millions de logements en France, dont 7,5 millions de passoires énergétiques ». La rénovation de ces « passoires énergétiques » est l’une des solutions préconisées par l’association, avec la dotation aux territoires dans la Programmation pluriannuelle de l’énergie pour permettre le développement des énergies renouvelables ou encore la hausse du montant du chèque-énergie à 200 euros.
L’exécutif a préféré « annoncer un changement dans la “méthode de travail” plutôt que prendre les décisions courageuses et visionnaires dont nous avons urgemment besoin », dénonce Attac dans un communiqué :
« Plutôt qu’apporter des réponses structurelles et des alternatives au tout-voiture et à l’étalement urbain, comme le rapprochement des services publics, la relocalisation des activités et le développement massif des transports en commun et mobilités douces, le Président de la République s’est contenté de proposer, sans la détailler, une mesure, une “taxe flottante” qui a fait la preuve de son inefficacité dans un passé récent. »
Face à une fiscalité carbone « injuste et inefficace », l’association propose, dans une note, de la basculer « sur les entreprises les plus polluantes et jusqu’ici largement exonérées ».
Quant au WWF France, il « regrette les paradoxes des discours et le flou autour des annonces », qui « ne permettent pas concrètement de faire face aux défis ». Dans un communiqué, l’organisation souligne entre autres qu’« aucune référence n’a été faite à la sobriété énergétique et à la nécessaire évolution de nos modes de vie », le président ayant même affirmé selon elle « que la voiture a un avenir en France ».
- Du côté des politiques
« Fermeture des centrales nucléaires repoussée à la Saint-Glinglin, mensonges sur les prétendus avantages de cette énergie dangereuse, entêtement dans la catastrophe industrielle et financière de l’EPR. Macron apporte la preuve de sa totale soumission au lobby nucléaire », a réagi le chef de file de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon.
La présidente du Rassemblement national (ex-FN), Marine Le Pen, a tweeté pour sa part : « A ceux qui se demandent comment boucler leur budget dans trois jours, Emmanuel Macron répond : “Rendez-vous dans trois mois…” (…) La confusion totale du discours présidentiel et le vide absolu en termes de solutions sont saisissants… » Son compagnon et membre du bureau exécutif du RN, Louis Aliot, dénonce « un discours de technocrate ».
C’est la même « technocratie » que visent le vice-président des Républicains (LR) Damien Abad et le député LR Eric Ciotti. Pour la porte-parole du parti Laurence Sailliet, « ce discours nous apprend qu’Emmanuel Macron n’est pas sorti dans la rue et n’a pas allumé sa télévision depuis que les ‘gilets jaunes' expriment leur souffrance. C’est désespérant… »
Le chef de file des députés LR Christian Jacob estime que le président n’entend pas le « ras-le-bol que les Français expriment » et « cherche à gagner du temps en nous inventant des mesures de concertation ».
« Discours à côté de la plaque : aucun plan de transition écologique à la hauteur des enjeux ! Macron recycle des mesures insignifiantes et n’apporte aucune réponse à la détresse des Français », affirme, de son côté, le président de Debout la France (DLF), Nicolas Dupont-Aignan, qui multiplie les interventions depuis le début du mouvement, gilet jaune sur le dos.
Le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, regrette sur BFMTV que M. Macron « ait tout concentré sur une partie du sujet seulement. Ça n’est pas simplement la question des carburants, mais le problème du pouvoir d’achat. Or, sur ce point-là, le président reste muet, absolument muet ».
Le chef de file du PCF aux élections européennes, Ian Brossat, juge qu’« il semble qu’il y ait un mot tabou dans notre pays : le mot ‘salaires’… Assez fou qu’on puisse disserter sur le pouvoir d’achat sans en dire un mot. »
Julien Bayou, porte-parole d’Europe Ecologie-Les Verts, pointe une « inaction coupable », avec « 48 000 morts par an dus à la pollution, mais, plutôt que d’agir aujourd’hui, Macron va relancer trois mois de concertation, un Haut Conseil… Dix ans après le Grenelle de l’environnement, cinq ans après la conférence environnementale ».
Corinne Lepage, ex-ministre de l’environnement, juge, elle, « bien décevant » un « « discours (…) sur le mix énergétique et qui sonne vieux monde avec les arguments éculés sur les bienfaits du nucléaire ».
Les centristes sont mitigés : « Je suis heureux d’entendre un discours du président qui ne stigmatise plus les manifestants, [mais] je crains qu’on ne réponde pas à toutes celles et tous ceux qu’on rencontre au coin d’un carrefour, d’un rond-point », a déclaré leur président, Hervé Morin.
Jean-Christophe Lagarde, président de l’Union des démocrates et indépendants (UDI), estime que, sur le prix des carburants, le chef de l’Etat « essaye de faire un geste pour reculer sans en avoir l’air » avec une TIPP flottante.
Le patron des députés La République en marche (LRM), Gilles Le Gendre, a affirmé que son groupe était prêt à répondre « avec enthousiasme » à l’appel à une « grande concertation de terrain » autour du mouvement des « gilets jaunes ». Mais Emmanuel Macron en a déçu certains au sein de sa majorité. « J’aurais aimé des annonces, claires, supplémentaires pour aider les Français dans cette transition énergétique. […] Il y a une certaine déception aujourd’hui », a souligné sur BFMTV le député LRM Matthieu Orphelin.