« Making a Murderer » : radiographie du système pénal américain
« Making a Murderer » : radiographie du système pénal américain
Par Antoine Flandrin
Le deuxième opus du docu-thriller revient sur le périple judiciaire d’un ferrailleur, accusé d’un crime qu’il nie avoir commis.
Il y a trois ans, Steven Avery était un illustre inconnu. Depuis décembre 2015, des millions d’Américains ont vu Making a Murderer, série documentaire diffusée sur Netflix retraçant l’histoire de ce ferrailleur du Wisconsin qui a passé le plus clair de son existence derrière les barreaux.
Après dix-huit ans de prison pour viol, il est innocenté par des tests ADN en 2003. Libéré, il est de nouveau condamné à la réclusion à perpétuité en 2007, avec son neveu Brendan Dassey, adolescent aux capacités intellectuelles réduites, pour le meurtre de Teresa Halbach.
La saison 2 commence par montrer le formidable élan de soutien qu’a entraîné la série. Les réalisatrices Moira Demos et Laura Ricciardi s’attardent sur les nombreux cadeaux – albums photos, couvertures, télévision à écran plat – qu’ont reçus les deux mères des condamnés. Submergé par les lettres d’amour, Steven Avery a, quant à lui, remplacé sa petite amie, qui lui rendait visite depuis des années, par une bimbo.
Un autre front de soutien s’est formé autour de la famille de Teresa Halbach, qui reste convaincue de la culpabilité de Steven Avery et de Brendan Dassey. En première ligne, Ken Kratz, le procureur zélé qui les avait envoyés derrière les barreaux. Sur la défensive après avoir reçu des milliers de messages d’insulte, il va contre-attaquer sur les plateaux de télévision, accusant la série d’avoir livré une version biaisée des faits.
Une redoutable avocate
Les deux réalisatrices attendent le générique de fin pour répliquer : apparaît alors le nom des personnes – dont Ken Kratz – qui ont refusé d’être interrogées dans le cadre de la série. Avant ce subtil lever de rideau, on aura eu le temps de s’accrocher au personnage principal de cette saison : la redoutable avocate Kathleen Zellner, qui va procéder à un réexamen approfondi du dossier de Steven Avery.
Sûre d’elle-même, éloquente, méthodique, elle prend le contrôle de la série. Les reconstitutions du crime qu’elle conduit avec différents experts en balistique, en taches de sang, en traces d’ADN et en crémation montrent de façon irréfutable que le meurtre de Teresa Halbach n’a pu être commis par son client. Mais alors par qui ? Kathleen Zellner désigne les coupables les plus plausibles. Des accusations toutefois peu étayées, qui finissent par affaiblir sa stratégie visant à faire rejuger Steven Avery.
Ses alter ego, Laura Nirider et Steve Drizin, deux autres avocats spécialisés dans les erreurs judiciaires, sont moins flamboyants mais se montrent tout aussi combatifs dans leur tentative de convaincre différentes cours de justice que les aveux de Brendan Dassey ont été obtenus sous la contrainte.
Ces offensives visant à innocenter l’oncle et le neveu mettent un peu plus en évidence les failles du système pénal américain, déjà révélées dans la première saison. Si elle reste addictive, la seconde est toutefois moins haletante, parce qu’elle ne cesse de revisiter le crime commis et les aveux contraints : les rushs où l’on voit les enquêteurs influencer les réponses de Brendan Dassey reviennent plusieurs fois dans chaque épisode.
Au fil de la saison 2, une certaine lenteur, appréciable, s’installe : les espoirs de remise en liberté renouvelés de l’oncle et du neveu s’accompagnent de vues aériennes de leurs prisons filmées en hélicoptère, sur fond de banjo mélancolique. Des espoirs – attention spoiler alert –, qui, recours après recours, sont sans cesse douchés et dont on doute qu’ils puissent constituer le fil conducteur convaincant d’une troisième saison – plus qu’incertaine à ce stade.
Making A Murderer: Part 2 | Official Trailer [HD] | Netflix
Durée : 02:54
Making a Murderer, de Moira Demos et Laura Ricciardi (EU), saison 2, dix épisodes. www.netflix.com/fr