Une étude montrant une surmortalité notable chez des patients dialysés traités avec une solution particulière, rendue publique par Le Monde, a conduit l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) à convoquer une réunion en urgence, mercredi 5 décembre. « Les participants estiment que ces résultats très préliminaires constituent un signal à prendre en compte », a indiqué l’agence, qui avait été saisie par l’association de ­patients Renaloo sur les résultats de cette étude.

Comme nous l’avions indiqué, les patients traités par un liquide de dialyse (ou dialysat) au citrate présenteraient une surmortalité de 40 % par rapport à ceux traités avec d’autres produits plus anciens à l’acétate ou à l’acide chlorhydrique (HCl). Cette surmortalité aurait essentiellement une origine cardio-vasculaire. Cela pourrait concerner des centaines de décès prématurés de personnes dialysées, peut-être plus.

Tel est le principal constat d’une étude rétrospective pilotée par Lucile Mercadal (Inserm, CESP 1018 et hôpital Pitié-Salpêtrière) réalisée avec une équipe de néphrologues et de biostatisticiens français (REIN-Agence de la biomédecine, ABM), à partir des données du registre national REIN. Elle a été présentée le ­3 octobre lors du congrès de la Société francophone de néphrologie, dialyse et transplantation ; elle n’est pas encore publiée.

En France, environ 47 000 patients souffrant d’insuffisance rénale terminale sont traités par dialyse. Ils entrent en dialyse à l’âge moyen de 70 ans, avec souvent d’autres maladies associées, et leur survie médiane est d’environ cinq ans. Environ un tiers des personnes dialysées sont traitées avec un dialysat au citrate.

« Les centres qui ont utilisé le citrate ont une surmortalité, ceux qui ont utilisé le HCl ont une baisse de mortalité », nous avait précisé le docteur Mercadal. Les données concernant le dialysat au citrate l’ont conduite à stopper l’utilisation de ce produit début novembre pour le centre de dialyse de la Pitié-Salpêtrière. Il devrait, selon cette experte, « être retiré du marché, au nom du principe de précaution, en attendant d’autres études ». Des centres ont décidé par principe de précaution de ne plus dialyser au citrate comme à l’hôpital Necker à Paris, ou à Rennes.

Une information « renforcée »

Si ces résultats constituent un signal à prendre en compte, « il est nécessaire de poursuivre les investigations avant de statuer sur un éventuel risque de surmortalité et d’effets indésirables tels que des crampes en cas d’utilisation du dialysat au citrate », a indiqué mercredi soir le communiqué de l’ANSM. Une information renforcée va être faite à destination des patients et des professionnels de santé. Mais rien ne précise quand. Les inquiétudes des patients sont assez fortes. « La vraie question est d’avoir une réponse fiable sur ce problème dans un délai acceptable et réaliste », note un expert.

« Il est nécessaire de mener des enquêtes rapidement et de façon indépendante », insiste Magali Léo, de l’association Renaloo. L’enjeu est aussi selon elle l’information des patients. Aucune date n’a été donnée pour le rendu de telles études. Même si le communiqué de l’ANSM précise : « Une attention particulière est recommandée pour l’utilisation du dialysat au citrate. »