A Oran, l’Eglise béatifie dix-neuf religieux assassinés, dont les moines de Tibéhirine
A Oran, l’Eglise béatifie dix-neuf religieux assassinés, dont les moines de Tibéhirine
Ces dix-neuf « martyrs » ont été tués entre 1994 et 1996. C’est la première cérémonie de béatification à se dérouler dans un pays musulman.
C’est une première dans un pays musulman. L’Eglise catholique béatifie, samedi 8 décembre, à Oran (400 km à l’ouest d’Alger) dix-neuf religieux catholiques assassinés durant la guerre civile en Algérie dans les années 1990, dont les sept moines de Tibéhirine.
Quelque 1 200 personnes, dont quelques centaines venues de l’étranger – familles, amis, pèlerins –, assisteront samedi à la célébration sur l’esplanade de la chapelle Notre-Dame de Santa-Cruz. La chapelle, qui surplombe Oran et son port, a été récemment rénovée et son esplanade rebaptisée vendredi Place du vivre-ensemble lors d’une cérémonie.
Ces « dix-neuf martyrs d’Algérie » sont quinze Français, deux Espagnoles, un Belge et une Maltaise, issus de huit congrégations catholiques différentes, assassinés entre 1994 et 1996. Parmi eux, figure Mgr Pierre Claverie, dominicain et archevêque d’Oran, fervent partisan du dialogue avec l’islam, tué en août 1996 par une bombe avec son jeune chauffeur algérien Mohamed Bouchikhi.
Seront aussi béatifiés les sept moines trappistes de Tibéhirine, enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996 et dont seules les têtes furent retrouvées, un assassinat dont les circonstances exactes restent encore aujourd’hui mystérieuses. Le destin tragique de ces sept moines a inspiré le film du réalisateur français Xavier Beauvois, Des Hommes et des Dieux, récompensé au Festival de Cannes, qui les a fait connaître.
« Une vie partagée avec ceux d’une autre religion »
A leurs côtés, quatre pères blancs mitraillés dans la cour de leur mission de Tizi-Ouzou (100 km à l’est d’Alger) fin 1994, ainsi qu’un frère mariste, une sœur de l’Assomption, deux sœurs espagnoles augustines missionnaires, deux sœurs de Notre-Dame des Apôtres et une sœur du Sacré-Coeur, tous tués par balles à Alger en 1994 et 1995. Tous refusèrent, malgré les risques croissants, de quitter l’Algérie et sa population, avec qui ils se disaient profondément liés.
D’où la volonté de l’Eglise catholique que leur béatification ait lieu en Algérie, avait récemment déclaré à l’Agence France-presse (AFP) Mgr Paul Desfarges, l’archevêque d’Alger. « Nous ne voulions pas d’une béatification entre chrétiens, car ces frères et sœurs sont morts au milieu de dizaines et dizaines de milliers d’Algériens » musulmans qui ont péri durant la décennie (1992-2002) de guerre civile en Algérie, a expliqué Mgr Desfarges.
C’est la première cérémonie de béatification à se dérouler dans un pays musulman, a rappelé à Rome le père Thomas Georgeon, postulateur de leur cause.
« Ces gens ont passé leur vie au milieu de gens du pays, à leur donner ce qu’ils pouvaient leur offrir », a expliqué vendredi à l’AFP le père Thierry Becker, curé d’Oran depuis 1962, année de l’indépendance de l’Algérie et ancien adjoint de Mgr Claverie. Leur béatification « montre qu’une vie partagée avec ceux d’une autre religion, c’est chrétien ».
Des policiers déployés
La cérémonie, placée sous haute sécurité, doit débuter vers 13 heures. Elle sera célébrée par l’envoyé spécial du pape François, le cardinal Angelo Becciu, préfet de la Congrégation pour la cause des saints (chargée au Vatican de l’ensemble des processus de béatification et canonisation). De nombreux policiers étaient déployés dès vendredi à Oran, a constaté un journaliste de l’AFP.
Ces dix-neuf martyrs ont « bien été tués parce que chrétiens », a souligné récemment à Rome le père Rémi Bazin, un responsable de la Congrégation pour la cause des saints. La cause en béatification a pu attester qu’ils ont été assassinés par « haine de leur comportement inspiré par la foi », a-t-il expliqué.
« Les frères et les sœurs qui ont donné leur vie l’ont donnée de manière consciente pour le peuple algérien », a confirmé à l’AFP Sœur Bénédicte de la Croix, cistercienne – confrérie des moines de Tibéhirine – venue de France pour la cérémonie.
« A travers eux, on pense à tous ceux qui ont perdu la vie » durant la guerre civile en Algérie, qui fit quelque 200 000 morts, dont de nombreux civils, tués dans les attentats ou les massacres attribués aux groupes armés islamistes.