Lioudmila Alexeeva, morte samedi 8 décembre à Moscou à l’âge de 91 ans, lors d’un congrès en Allemagne, le 30 mai 2016. / JOHN MACDOUGALL / AFP

La plus ancienne militante des droits de l’homme russe et ancienne dissidente soviétique Lioudmila Alexeeva est décédée samedi à Moscou à l’âge de 91 ans, a annoncé le Conseil consultatif pour les droits de l’homme auprès du Kremlin dans un communiqué. Présidente du Groupe Helsinki de Moscou, Lioudmila Alexeeva, « est décédée ce soir » dans un hôpital moscovite à 16 h 30 GMT, soit 17 h 30 à Paris, a déclaré le président de ce Conseil, Mikhaïl Fedotov, cité dans le communiqué.

« Ce n’était pas la première fois qu’elle se trouvait dans cet hôpital, ses médecins l’ont déjà sauvée à plusieurs reprises dans les situations les plus difficiles. Mais il y a des situations où les médecins ne peuvent rien faire », a-t-il précisé.

« C’est une perte immense pour tout le mouvement de défense des droits de l’homme en Russie. »

Hommage de Poutine

Le président russe Vladimir Poutine a envoyé un message de condoléances aux proches de la militante, selon le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. M. Poutine « appréciait beaucoup la contribution de Lioudmila Alexeeva dans le développement d’une société civile en Russie, avait un grand respect pour son point de vue sur plusieurs sujets concernant la vie de notre pays », a indiqué M. Peskov, cité par les agences de presse russes.

« Pour tous ceux qui appréciaient, apprécient et apprécieront la démocratie, Lioudmila Mikhaïlovna a toujours été et restera un symbole de l’honnêteté et de la lutte sans compromis pour l’Homme », a déclaré pour sa pour sa part la déléguée pour les droits de l’Homme en Russie, Tatiana Moskalkova, citée par l’agence de presse Interfax.

Une histoire de la dissidence

Lioudmila Alexeeva a été également l’un des symboles de la résistance en URSS, puis en Russie. En 1976, elle est devenue l’une des fondatrices du Groupe Helsinki de Moscou, dont les membres seront au fil des années arrêtés et lourdement condamnés ou contraints à l’exil.

En exil, elle a continué à défendre les opposants soviétiques et écrit une histoire de la dissidence qui fait autorité encore aujourd’hui. Elle n’est revenue à Moscou qu’en 1993, après la chute de l’URSS.

Ces dernières années, Alexeeva a été de toutes les batailles, aussi bien pour faire la vérité sur la mort suspecte en prison du juriste Sergueï Magnitski que pour dénoncer le procès de l’ex-oligarque et critique du Kremlin Mikhaïl Khodorkovski, affirmant que « dans cette affaire, tout se fait non pas selon la loi, mais selon des directives qui viennent d’en haut ».

En 2009, elle avait reçu à Strasbourg, avec des responsables de l’ONG russe de défense des droits de l’homme Memorial le Prix Sakharov, distinction que le Parlement européen décerne à des défenseurs de la liberté de pensée dans le monde.

« Si je sauve au moins une personne, c’est déjà une telle joie », disait-elle dans une des interviews aux médias russes. En 2017, l’année où elle a fêté ses 90 ans, Lioudmila Alexeeva s’est vu remettre un prix d’Etat pour des « réalisations remarquables dans le domaine des droits de l’Homme » par le président Vladimir Poutine.

« On peut ne pas être d’accord avec Lioudmila Mikhaïlovna, on peut se disputer avec elle de quelque chose, et je le fais parfois, mais cela n’empêche pas de la traiter avec un énorme respect pour son courage et sa position civile », a alors déclaré M. Poutine.