• Sergeï Prokofiev
    Sonate n° 2, Sonate n° 5, 10 pièces op. 12

    Lukas Geniusas (piano)

Pochette de l’album du pianiste Lukas Geniusas consacré à Prokofiev. / MIRARE

Héritier d’une lignée de musiciens, c’est par sa grand-mère, Vera Gornostayeva, éminente professeure au Conservatoire Tchaikovski de Moscou, que Lukas Geniusas fut formé au piano. Le jeune homme de 28 ans, deuxième prix aux concours Chopin (2010) et Tchaikovski (2015), ambitionne d’enregistrer une intégrale Prokofiev, dont le premier volet paraît chez Mirare. Geniusas aborde le compositeur russe avec une vitalité digitale impressionnante, privilégiant l’articulation à la scansion. La Sonate n° 2 croque le tempérament du pianiste : chant noble, légèreté du toucher, dynamiques claires, le jeu reste souple dans les passages les plus percussifs. Suit la Sonate n° 5, aux couleurs presque impressionnistes, puis les Dix pièces op. 12, composées lorsque Prokofiev était encore étudiant au conservatoire de Saint-Petersbourg. Dix miniatures dans lesquelles sonne un piano vif argent. Anna Sigalevitch

1 CD Mirare.

  • Ian Bostridge/Antonio Pappano
    Requiem, The Pity of War

Pochette de l’album « Requiem, The Pity of War », de Ian Bostridge et Antonio Pappano. / WARNER CLASSICS

Des tambours et des trompettes résonnent dans ces mélodies. « L’amour, la mort, la vie », aurait résumé Eluard. « Quelle connerie, la guerre », aurait rétorqué Prévert. Il y a de l’un et de l’autre dans le propos de cet ingénieux programme, conçu pour commémorer l’armistice de 1918 en prenant de la hauteur avec l’histoire mais en restant au niveau des hommes. Deux compositeurs, à redécouvrir ici, sont morts, jeunes, pendant la Grande Guerre : l’Anglais George Butterworth (1885-1916) et l’Allemand Rudi Stephan (1887-1915), aux harmonies rampantes comme des ombres. Deux autres compositeurs l’encadrent avec une semblable qualité d’imagerie. Gustav Mahler (1860-1911), dans une projection quasi cinématographique (Des knaben Wunderhorn) et Kurt Weill (1900-1950), dans une animation épique (Four Walt Whitman Songs). Irrésistible, quelle que soit la cause défendue, le chant incandescent du ténor Ian Bostridge repose sur le piano d’Antonio Pappano comme sur l’épaule d’un frère d’armes qui, lui aussi, pointe juste en toute occasion. Pierre Gervasoni

1 CD Warner Classics.

  • Divers artistes
    At Barloyd’s

Pochette du coffret « At Barloyd’s », recueil de neuf  albums de pianistes en solo. / JAZZ&PEOPLE / PIAS

Comme l’indique dans le livret Vincent Bessières, producteur, fondateur de la compagnie phonographique Jazz & People, « tout est parti d’un piano ». Un Steinway D abandonné, qu’a restauré et fait revivre l’accordeur Bastien Herbin, avant de le mettre en dépôt chez le pianiste Laurent Courthaliac. Lequel a convié huit de ses collègues, comme lui hommes de jazz, à venir en jouer et enregistrer entre juin et décembre 2016. Le résultat figure dans ce coffret, At Barloyd’s. De la belle ouvrage, autant hommage au prestigieux instrument et à son « sauveteur », que neuf portraits de musiciens (Courthaliac, donc, Franck Amsallem, Vincent Bourgeyx, Pierre Christophe, Laurent Coq, Pierre de Bethmann, Alain Jean-Marie, Fred Nardin et Manuel Rocheman), par leurs approches des standards, leurs compositions et improvisations. Sylvain Siclier

1 coffret de 9 CD Jazz & People/PIAS.

  • Gregory Porter
    One Night Only – Live at the Royal Albert Hall

Pochette de l’album « One Night Only – Live at the Royal Albert Hall », de Gregory Porter. / DECCA RECORDS-BLUE NOTE RECORDS / UNIVERSAL MUSIC

Le 2 avril, sur la scène du Royal Albert Hall, à Londres, le chanteur Gregory Porter triomphe devant plus de 5 000 spectateurs, avec les soixante-dix musiciens du London Studio Orchestra. A la direction d’orchestre et aux arrangements, Vince Mendoza. Le répertoire, celui de sa tournée en hommage à Nat King Cole, qui suit la parution de l’album Nat King Cole & Me (octobre 2017). Un concert tout en cordes élégantes, envolées des vents (Mis Otis Regrets, suivi de Pick Yourself Up), dans une écriture qui permet le swing – ce qui n’est pas toujours le cas dans les rencontres entre le jazz et une formation symphonique. La voix chaude de Porter flotte ou surgit, dans cet accompagnement raffiné. Avec en point culminant d’émotion, Smile, presque à la fin du concert. S. Si.

2 CD Decca Records-Blue Note Records/Universal Music.

  • Paul McCartney
    Wild Life [Deluxe]

Pochette de l’album « Wild Life [Deluxe] », des Wings. / CAPITOL / UNIVERSAL MUSIC

Entamée en 2010, la série « Archive Collection » propose un travail de dépoussiérage et d’investigation remarquable du catalogue post Beatles de Paul McCartney, en rendant notamment grâce à son chef-d’œuvre oublié, Ram (1971), ou en exhumant, sur Flowers in the Dirt (1989), les démos du bassiste gaucher avec Elvis Costello. Premier album des Wings paru en 1971 – groupe fondé avec son épouse Linda McCartney, le guitariste Denny Laine et le batteur Denny Seiwell – Wild Life n’a pas l’envergure d’un Band on the Run (1973). Il n’en demeure pas moins recommandable. Enregistré en une semaine, prenant le contrepied de l’ambitieux Ram sorti six mois plus tôt, c’est un disque pastoral à l’approche légère et spontanée. Une quinzaine de démos, singles et face B complètent cette édition remasterisée, dont trois inédits à la bonne humeur communicative. Son successeur, Red Rose Speedway (1973) également réédité, n’a pas la même consistance malgré un son plus policé. Des bonus offrent la curiosité d’entendre ce qui avait été envisagé comme un double album. Franck Colombani

2 CD ou 2 LP, également disponible en coffret 3CD et 1DVD Capitol/Universal Music.

  • Ukandanz
    Yeketelale

Pochette de l’album « Yeketelale », d’Ukandanz. / BUDA MUSIQUE / SOCADISC

Formé par le guitariste lyonnais Damien Cluzel, le créatif groupe Ukandanz associe quatre musiciens français et Asnake Guebreyes, un chanteur comptant parmi les caïds de la scène d’Addis-Abeba, dont le vibrato et l’art du mélisme ont fait un roi sur la scène éthiopienne. Ukandanz (prononcer You can dance) ? Plus qu’une proposition, c’est encore une injonction que lance le groupe avec son troisième album. Dès Gesse, le premier titre, la machine est lancée, trépidante et fiévreuse. Batterie et basse (Yann Lemeunier et Adrien Spirti) martèlent un rock teigneux, saxophone ténor (Lionel Martin) et guitare rugissent, tandis que la voix haletante du chanteur s’enroule et se déroule en circonvolutions envoûtantes. Le ton est donné. C’est d’énergie qu’il s’agit ici, de transe puissante et de groove impérieux qui ne s’apaisent qu’en de rares accalmies, comme le très épuré Enken Yelelebesh, une relecture d’une composition du vétéran compositeur et chanteur éthiopien Girma Bèyènè, redécouvert en 2017 grâce au quintet français Akalé Wubé. Patrick Labesse

1 CD Buda Musique/Socadisc.