En Islande, les railleries sexistes de six députés ne passent pas
En Islande, les railleries sexistes de six députés ne passent pas
Par Anne-Françoise Hivert (Malmö (Suède), correspondante régionale)
Les Islandais réclament la démission de six députés de l’opposition, filmés dans un bar, en train de tenir des propos insultants à l’égard de leurs collègues femmes politiques.
Lundi 17 décembre, Bara Halldorsdottir est convoquée au tribunal de Reykjavik. Quatre députés accusent l’Islandaise de 42 ans d’avoir terni leur réputation, en enregistrant à leur insu, le 20 novembre, une vidéo de leur conversation dans le bar Klaustur, au centre de la capitale.
Pendant trois heures, six membres du Parlement, l’Althing, y tiennent des propos sexistes et misogynes à l’égard de leurs collègues, ironisent sur le mouvement #metoo et se moquent d’une ancienne députée, handicapée physique, en fauteuil roulant. Transmise à plusieurs médias, la vidéo est devenue virale en quelques heures, provoquant un scandale national en Islande, pays champion du monde de l’égalité hommes-femmes.
Au journal Stundin, Bara Halldorsdottir, se présentant comme « une femme, queer et handicapée », justifie son geste par son malaise à l’idée que des hommes « qui considèrent les femmes de cette façon et s’amusent aux dépens des personnes handicapées et queer, prennent des décisions concernant nos vies ».
L’outrage est d’autant plus fort que parmi les six personnalités politiques – quatre centristes et deux députés du parti du peuple, cinq hommes et une femme – figurent deux noms connus. L’ancien ministre des affaires étrangères, Gunnar Bragi Sveinsson, d’une part : ardent défenseur de l’égalité entre les sexes, investi dans la campagne « HeForShe » et organisateur d’une conférence des Nations unies sur l’égalité hommes-femmes en 2015 à New York.
À ses côtés, l’ancien premier ministre, Sigmundur David Gunnlaugsson, dont le visage décomposé avait fait le tour du monde, en avril 2016, quand un journaliste suédois, enquêtant sur les Panama Papers, l’avait interrogé sur la société offshore qu’il détenait avec sa femme. Quelques jours plus tard, M. Gunnlaugsson avait dû démissionner.
Excuses du président
Dans l’enregistrement, l’ancien chef de la diplomatie islandaise brocarde le mouvement #metoo et tourne en dérision les accusations de violence conjugale portées à l’encontre d’un ancien député. Les parlementaires dressent une liste des collègues avec lesquelles ils aimeraient coucher. Ils traitent de « salope » la chef de file du Parti du peuple et discutent de la carrière de la ministre de l’éducation qui risque de tourner court, car « elle n’est plus aussi chaude qu’il y a deux ans ».
Début décembre, plusieurs centaines d’Islandais ont manifesté sur la place devant le Parlement – le centre névralgique de la « révolution des casseroles », après la crise financière de 2008. À l’époque, la défiance à l’égard de la classe politique était à son comble. L’affaire des Panama Papers, huit ans plus tard, avait ravivé la colère.
Le 3 décembre, le président du Parlement a présenté ses excuses « aux femmes islandaises, aux homosexuels et aux handicapés », et a annoncé que la commission éthique du Parlement avait ouvert une enquête. 90 % des Islandais souhaitent le départ des six députés. Le Parti du peuple a exclu ses deux parlementaires, qui continuent de siéger à l’Althing. Deux députés centristes ont pris un congé sans solde, tandis que les deux autres, dont l’ancien chef du gouvernement, s’accrochent à leur poste.