Un mois après l’arrestation pour dissimulation de revenus de l’homme fort de l’alliance entre Nissan et Renault, Carlos Ghosn, depuis mis en examen et toujours en détention, la situation entre les deux alliés s’envenime, loin de l’unité de façade affichée.

Le groupe automobile japonais réunit, lundi 17 décembre, son conseil d’administration pour, officiellement, nommer un remplaçant à son président déchu, mais la tâche s’annonce difficile alors que son principal actionnaire, Renault, accentue la pression.

Nissan, également inculpé dans cette affaire en tant que personne morale, a reçu une lettre de son partenaire français réclamant la convocation au plus vite d’une assemblée générale (AG) d’actionnaires, selon une source proche du dossier, confirmant des informations du Wall Street Journal (WSJ). 

« Des risques importants pour Renault »

Le directeur général de Renault, Thierry Bolloré, juge que cette « inculpation crée des risques importants pour Renault, en tant que plus important actionnaire de Nissan, et pour la stabilité de notre alliance industrielle ». Une AG permettrait de « discuter de la gouvernance et d’autres sujets, comme des personnes nommées par Renault au conseil d’administration de Nissan et dans ses hauts rangs », selon ce courrier.

Renault s’est refusé à tout commentaire. Idem pour Nissan qui a redit son « engagement inébranlable » envers l’alliance de 20 ans formant, avec Mitsubishi Motors, le premier ensemble automobile mondial.

Renault, qui a sauvé par le passé Nissan de la faillite, détient 43,4 % du constructeur japonais, qui possède de son côté 15 % de son partenaire français mais sans droits de vote. Au fil des ans, les rancœurs se sont accumulées au sein du constructeur japonais face à ce déséquilibre. Mais, si certains de ses responsables avaient pu espérer profiter de l’éviction de M. Ghosn pour revoir les termes de l’alliance, Nissan et son patron exécutif, Hiroto Saikawa, apparaissent aujourd’hui fragilisés, d’autant que le groupe est aussi secoué par un scandale lié à l’inspection de véhicules.

Pas d’entente sur un nom

L’autre sujet à l’ordre du jour est la nomination d’un remplaçant à M. Ghosn. Nissan veut le choisir parmi les administrateurs restants après la révocation de leurs fonctions de M. Ghosn et de son bras droit, Greg Kelly, également interpellé le 19 novembre. Le nom de M. Saikawa avait initialement fuité dans les médias nippons, mais tous rapportent maintenant que la décision sera reportée alors que le conclave de trois personnes chargé de proposer un nom, dans lequel figure un ancien responsable de Renault, n’a pas réussi à s’entendre. « Cela ralentit les choses, mais ce n’est pas la fin du monde. Mieux vaut ne pas se précipiter », souligne une personne au fait des discussions.

Chez Renault, qui a, par contraste avec son allié, décidé de maintenir M. Ghosn comme PDG après n’avoir constaté aucune anomalie sur sa rémunération française, on explique « ne pas pouvoir interférer dans le conseil d’administration de Nissan ». Sur les neuf membres, « Renault a le droit d’en désigner jusqu’à quatre », et pas plus. Cependant, la lettre envoyée vendredi par Thierry Bolloré montre que le constructeur français ne restera pas les bras croisés. Selon Le Figaro dimanche, le patron de Michelin pourrait devenir le président du constructeur, avec l’appui de l’Etat actionnaire.

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