Croissance : l’Insee révise de moitié sa prévision pour le quatrième trimestre
Croissance : l’Insee révise de moitié sa prévision pour le quatrième trimestre
LE MONDE ECONOMIE
Sur les trois derniers mois de l’année, le produit intérieur brut ne progresserait que de 0,2 %, portant la croissance annuelle à 1,5 %.
Devant un magasin vandalisé, à Paris, le 2 décembre. / Stephane Mahe / REUTERS
Qui se souvient de décembre 2017 ? Un climat des affaires au beau fixe, des créations d’emplois par milliers, des ménages confiants… A l’époque, la croissance taquinait les 2 %. La nouvelle année promettait d’être radieuse et… patatras ! Ce qui s’annonçait comme un léger coup de mou en début d’année a viré au ralentissement généralisé. Le recul du pouvoir d’achat au premier trimestre, conjugué à un environnement international moins porteur, a affecté l’activité. La colère populaire à l’automne a fait le reste.
Résultat : au quatrième trimestre, le produit intérieur brut (PIB) français progresserait d’environ 0,2 %, selon la note publiée, mardi 18 décembre, par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). C’est deux fois mois que ce qui était attendu. Les comptables nationaux ont donc revu – une fois de plus – leurs prévisions à la baisse : finalement, la croissance de l’activité ne devrait pas dépasser 1,5 % en 2018. Une estimation conforme à celle livrée, jeudi 13 décembre, par la Banque de France, et qui porte l’acquis de croissance à 1 % pour la mi-2019.
Un quatrième trimestre heurté
Il faut dire que les trois derniers mois de l’année ont été rudes. La suppression complète des cotisations salariales et la première tranche de baisse de la taxe d’habitation, censées redonner de l’air aux ménages et relancer la consommation, n’ont pas eu l’effet escompté. Loin s’en faut… En décuplant l’incidence de la hausse des taxes sur les carburants, le renchérissement des cours du pétrole a libéré une vague de colère rarement observée en France. Ses conséquences sur l’activité sont, encore aujourd’hui, difficiles à évaluer.
L’Insee, qui a terminé ses calculs le 13 décembre, estime que « le mouvement des “gilets jaunes” pourrait ôter 0,1 point à la croissance du PIB au quatrième trimestre ». A titre de comparaison, les grèves massives de 1995, avaient coûté 0,2 point. Cette fois, les événements ont surtout affecté les commerces et la consommation. Certaines dépenses pourront être reportées, mais des secteurs comme l’hébergement-restauration, les loisirs et les transports, devraient enregistrer des pertes sèches.
Le climat des affaires s’en ressent. Alors que le moral des chefs d’entreprises semblait se stabiliser en novembre, les blocages et manifestations ont fait plonger les courbes. L’indice composite établi par le cabinet IHS Markit pour mesurer l’activité a chuté de 5 points, passant à 49,3 contre 54,2, son niveau le plus bas depuis trente mois. D’après l’Insee, un léger mieux est à espérer au premier semestre 2019, même si « la production manufacturière ne progresserait pas » sur cette période.
Taux de chômage stable
Pas étonnant, dans ce contexte de tassement, que l’emploi marchand ait marqué le pas. L’Insee a dénombré trois fois moins de créations de postes en 2018 qu’en 2017 (107 000 contre 341 000). Environ 64 000 sont attendues au premier semestre 2019, notamment dans les services. Très haut ces dernières années, l’intérim poursuivrait son repli. A l’inverse, la montée en puissance des Parcours emplois compétences (PEC) redonnerait quelques couleurs à l’emploi non marchand, très touché par l’effondrement des contrats aidés. Le taux de chômage, lui, resterait stable, à 9,1 %, avant d’atteindre 9 % au printemps 2019.
Mais l’horizon n’est pas complètement bouché : les entreprises vont bénéficier, l’an prochain, de la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en réduction pérenne de cotisations patronales. Leur taux de marges augmenterait de 1,5 point, pour s’élever à 33,5 % début 2019 et ainsi retrouver des niveaux d’avant la crise. Un facteur qui devrait soutenir l’investissement et profiter à l’emploi.
Les sociétés, grandes et petites, seront-elles mises à contribution pour financer les mesures de soutien au pouvoir d’achat annoncées par Emmanuel Macron, le 10 décembre ? C’est le scénario qui se dessine, mais l’Insee n’a pas pu l’intégrer dans ses prévisions. Ses analystes estiment, en revanche, que le gonflement de la prime d’activité, l’annulation de la hausse de la CSG sur les retraites de moins de 2 000 euros et la défiscalisation doublée de l’exonération de charges sociales des heures supplémentaires auront un effet bénéfique sur le pouvoir d’achat. Elles le doperaient de 0,5 point au premier trimestre 2019, alors que l’inflation ralentirait.
« Grosses incertitudes »
Reste à savoir comment le coup de pouce se répercutera sur la consommation. « Il y a de grosses incertitudes sur l’ampleur du rebond », reconnaît Julien Pouget, responsable du département conjoncture à l’Insee. Comme la confiance des ménages est très entamée, une partie des gains de pouvoir d’achat sera mise de côté : le taux d’épargne passerait de 14,7 % en 2018 à 15,2 % au cours du premier semestre de 2019. Les dépenses de ménages se redresseraient néanmoins, en hausse de 0,7 %, puis 0,5 %, aux deux premiers trimestres de 2019.
La dynamique globale de l’activité dépendra enfin de l’environnement international. La France, toute tiraillée qu’elle est, n’est pas la seule économie de la zone euro à connaître un ralentissement. « Le rattrapage consécutif aux récessions passées est en train de s’estomper », note l’Insee. En d’autres termes, il faut s’attendre à un affaiblissement durable de la croissance des principaux pays du Vieux Continent.