La France se met (enfin) en conformité avec le code mondial antidopage
La France se met (enfin) en conformité avec le code mondial antidopage
Par Clément Guillou
Après avoir traîné des pieds, la France s’est résolue à se mettre en conformité avec le code mondial antidopage, sous la pression de l’AMA. Elle reconnaîtra désormais le Tribunal arbitral du sport.
A l'entrée du laboratoire de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), à Châtenay-Malabry, en 2008. / JOEL SAGET / AFP
Après des années de coups de règle sur les doigts, la France devrait achever l’année prochaine sa mise en conformité au code mondial antidopage : une ordonnance sera présentée mercredi en conseil des ministres pour mettre fin à l’exception française, a-t-on appris auprès de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), confirmant une information de l’AFP.
Le sport français était menacé de sanctions de la part de l’Agence mondiale antidopage (AMA) si Paris n’adaptait pas rapidement sa législation. Depuis le 1er avril 2018, l’AMA, motivée par le scandale russe, est plus stricte quant à l’application du code. La situation exposait la France à l’impossibilité de mener la lutte antidopage à l’intérieur de ses frontières, d’accueillir des événements sportifs, voire d’y participer.
Deux réformes majeures sont introduites par cette ordonnance : les fédérations sportives perdent leur pouvoir de sanction disciplinaire antidopage et la France reconnaît la compétence du Tribunal arbitral du sport (TAS).
Une arlésienne qui agaçait l’AMA
L’adaptation du code mondial antidopage dans le droit français est une arlésienne qui agaçait depuis longtemps Montréal, siège de l’AMA. En 2015, le gouvernement avait mis neuf mois à trouver une solution pour adapter la nouvelle version du code au droit français. La possibilité d’effectuer des contrôles antidopage la nuit posait notamment un problème de respect de la vie privée, soulevé par le président de l’AFLD de l’époque, le conseiller d’Etat Bruno Genevois. La France avait fini par être placée « sous surveillance » mais était sortie de ce statut après la publication des décrets d’application.
A l’issue d’un audit mené en mai et consécutif à l’attribution à Paris des Jeux olympiques 2024, l’AMA a rappelé à la France que cette adoption était incomplète. Il a toutefois fallu surmonter les réticences du Conseil d’Etat, juridiction devant lequel tout sportif sanctionné pour dopage en France devait faire appel.
La France s’était toujours refusée à reconnaître le TAS, organe suprême de la justice sportive, estimant qu’une juridiction arbitrale, qui plus est étrangère, n’avait pas à être saisie d’une décision relevant de la puissance publique nationale.
« Bénéfique pour la crédibilité de la France »
« Ce qui a permis de sauter le pas, ce n’est pas seulement le fait qu’on savait à quelles conséquences la France s’exposait ; c’est aussi toute l’évolution de l’antidopage français qui tend vers une meilleure intégration internationale », analyse Mathieu Teoran, secrétaire général de l’AFLD.
« Cela va être bénéfique pour la crédibilité de la France dans l’antidopage. Personne ne met en doute notre crédibilité sur le fond mais, sur le plan international, le fait de ne pas être conforme au code mondial limitait la portée de la voix de la France. »
Les procédures devant le TAS pour des sportifs français devraient être rares, une poignée de cas maximum chaque année, puisque seuls les « sportifs de niveau international » pourront le saisir après une sanction infligée par l’AFLD. Ceux ne figurant pas sur ces listes établies par les fédérations internationales relèveront toujours du Conseil d’Etat en appel.
Les fédérations dessaisies
Quant aux fédérations sportives françaises, si certaines ont renâclé à céder leur pouvoir de sanction, d’autres ont vu d’un bon œil cet allègement administratif.
Dans le système actuel, les commissions disciplinaires antidopage des fédérations sont saisies en première instance, puis en appel. L’AFLD peut ensuite se saisir du dossier avant un éventuel appel devant le Conseil d’Etat. En 2013, la commission d’enquête sénatoriale sur le dopage prônait déjà le retrait de ce pouvoir aux fédérations, pour qu’elles ne soient pas « juge et partie de leurs sportifs ».
En 2017, plus de la moitié des décisions prises par les fédérations ont été réformées par l’AFLD, dont celle concernant le boxeur Tony Yoka : le champion olympique de Rio avait initialement été suspendu un an avec sursis, avant que l’AFLD ne le suspende pour un an ferme conformément au code mondial.
La réforme doit permettre de simplifier les procédures, éviter les disparités et raccourcir les délais, d’autant plus qu’une procédure de « renonciation à l’audience » sera également introduite. « On espère qu’une proportion sensible de dossiers se conclueront par une transaction [sur la sanction] plutôt que d’aller jusqu’à l’audience, et que nous irons vers plus d’efficacité », explique Mathieu Teoran.
Troisième et dernier point majeur de cette ordonnance : la fin du dispositif de « raison médicale dûment justifiée », qui côtoyait l’autorisation d’usage thérapeutique (AUT). Ce dernier est le seul prévu par l’AMA pour les sportifs ayant besoin de prendre un produit interdit pour soigner une pathologie.
Dans un peu plus de deux ans, le législateur français devra se repencher sur le code mondial antidopage : une nouvelle version entrera en vigueur en 2021, comme tous les six ans.