Présidentielle à Madagascar : un second tour de scrutin sous haute surveillance
Présidentielle à Madagascar : un second tour de scrutin sous haute surveillance
Par Laure Verneau ( Antananarivo, Contributrice Le Monde Afrique)
La mission d’observation électorale de l’Union européenne a déployé une centaine de représentants à travers le pays, ce 19 décembre, pour surveiller le processus électoral.
Dans un bureau de vote à Antananarivo, un représentant de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) procède au dépouillement à l’occasion du second tour de l’élection présidentielle, mercredi 19 décembre 2018. / Themba Hadebe / AP
Dans le bureau de vote de Behoririka, un quartier populaire d’Antananarivo, la capitale malgache, ils dénotent. Avec leurs blouses bleues piquetées de douze étoiles dorées, on repère de loin Sylvain et Dora, deux membres de la mission d’observation électorale de l’Union européenne (MOE-UE). Lui est français, elle est hongroise ; tous deux font équipe pour cette journée de vote opposant les deux ex-présidents, Andry Rajoelina et Marc Ravalomanana, candidats au second tour de l’élection présidentielle.
La journée a commencé aux aurores et se prolongera jusque tard dans la nuit. Munis de formulaires d’une cinquantaine de pages, ils visiteront une dizaine de bureaux de vote à Antananarivo avant d’assister au dépouillement, et d’accompagner l’acheminement des bulletins au SMRV (section de recensement du matériel de vote) au stade Mahamasina. « On essaie toujours d’avoir deux personnes issues de pays aux traditions électorales différentes. Ici, nous avons affaire à un processus très français, avec les scrutateurs, la carte d’électeur… En Europe de l’Est, ça n’existe pas », confie Dora.
Dans chaque bureau de vote, les deux observateurs prennent des notes, circulent, échangent avec le président et le chef de fokontany (quartier). Heure d’ouverture, déroulement du vote, personnes présentes, signes d’irrégularités… Les questionnaires détaillés sont ensuite transmis grâce à une application spécifique, permettant de centraliser les données récoltées dans l’ensemble des bureaux visités par les cent observateurs européens. Elles serviront à étayer la déclaration préliminaire de la mission d’observation. « Notre but est de relever toutes les irrégularités possibles dans le processus électoral. On observe, mais on ne peut pas intervenir », précise Sylvain.
« Est-ce que vous avez bien reçu le matériel de vote à temps ? » A Avaradoha, un quartier pauvre d’Antananarivo, le président du bureau de vote acquiesce et montre au binôme une fiche consacrée aux anomalies. Elle est vierge. « On bénéficie de l’expérience du premier tour, ajoute-t-il, satisfait, nous avons pu ouvrir à l’heure. » C’est la troisième élection que suit Félix Andrianasoa et il trouve la journée « exceptionnellement calme », les Malgaches « peu mobilisés ». Contrairement au premier tour de scrutin, le 7 novembre, l’affluence observée à la mi-journée est faible. Saison des pluies oblige, la chaleur est de plomb dès 10 heures du matin. Aucune file d’attente dans la petite cour bétonnée : sur 375 inscrits, seuls 130 électeurs se sont déplacés. « Soit moitié moins comparé au premier tour à la même heure », abonde l’observateur français.
« Moi, je vais aller voter, mais cet après-midi, assure Mananjara, 55 ans, sans emploi, en train de fouiller un bac à ordures installé à une centaine de mètres du bureau de vote. Il faut d’abord que je trouve de quoi nourrir ma femme et mes enfants et c’est plus facile le matin. » La journée de vote a bien été déclarée fériée, mais la mesure compte seulement pour les employés du secteur formel, loin de représenter la majorité de la population. « Je pense qu’il y a eu trop de rumeurs de fraudes, sur les cartes d’électeurs, sur la liste électorale, confie Rijaniaina, qui arrive en trombe devant le bureau de vote. Ça décourage les gens d’aller voter. »
La question de la contestation des résultats sera, chacun le sait, au cœur de la période qui va s’ouvrir. L’UE n’est pas la seule à avoir déployé des observateurs sur le terrain. Plus d’une vingtaine de partenaires étrangers appuient la Commission électorale nationale indépendante (CENI) dans la surveillance du processus électoral. L’Union africaine, l’Organisation internationale de la francophonie et la Communauté de développement d’Afrique australe étaient présentes dans les vingt-deux régions du pays.
L’observatoire de la société civile Safidy, qui avait mobilisé 7 350 personnes pour surveiller près de 40 % des bureaux, a été le premier à faire le constat, en fin de journée, que « le vote [s’était] déroulé dans le calme et que les procédures [avaient] été globalement respectées ».