Remaniement au sommet de la diplomatie de l’Arabie saoudite
Remaniement au sommet de la diplomatie de l’Arabie saoudite
Le Monde.fr avec AFP
Trois mois après l’affaire Khashoggi, une série de décrets royaux modifie la composition du gouvernement, même si la plupart des postes stratégiques restent inchangés.
Mohammed Ben Salman et le roi Salman à Riyad, Arabie saoudite, le 9 décembre 2018. / AP
Le 2 octobre 2018, le journaliste saoudien Jamal Khashoggi était assassiné dans l’enceinte du consulat de son pays, à Istanbul. L’affaire et ses multiples rebondissements ont considérablement affecté l’image, déjà peu reluisante, de l’Arabie saoudite ainsi que la réputation de réformateur de son tout puissant prince héritier de 33 ans, Mohammed Ben Salman, dit MBS. Trois mois plus tard à Riyad, l’heure est au remaniement. De nombreux postes sont concernés par une série de décrets royaux pris jeudi 27 décembre, mais parmi les portefeuilles les plus stratégiques, seules les affaires étrangères changent de patron.
L’ancien chef de la diplomatie saoudienne, Adel Al-Jubeir, qui avait vigoureusement défendu le prince héritier, ce dernier étant mis directement en cause dans l’affaire Khashoggi, a été rétrogradé au poste de ministre d’Etat aux affaires étrangères. Le poste qu’il occupera désormais est donc situé plus bas dans la hiérarchie. Cet ancien diplomate aux Etats-Unis, parfaitement anglophone, avait été nommé en 2015 par le défunt roi Abdallah, mort il y a quatre ans. Son successeur est l’ancien ministre des finances du royaume, Ibrahim Al-Assaf.
« Lié à l’affaire Khashoggi »
« Il est impossible de ne pas lier [le remaniement] à Khashoggi », a estimé auprès de l’Agence France-Presse Mohammed Alyahya, un expert pour le Gulf Research Centre. L’Arabie saoudite soutient que le journaliste a été tué lors d’une « opération hors de contrôle » de l’Etat saoudien, menée par le chef adjoint de l’agence saoudienne de renseignement, Ahmad Al-Assiri, et par le conseiller à la cour royale, Saoud Al-Qahtani, qui ont tous deux été destitués. Riyad nie toute implication du prince héritier dans ce meurtre, tandis que des médias turcs et américains, ainsi que la CIA, le soupçonnent de l’avoir commandité.
Le remaniement ministériel surprise a surtout concerné des postes mineurs du gouvernement saoudien. Ainsi, le ministre de l’éducation Ahmed Al-Issa a été remplacé par Hamad Al-Cheikh. Celui de l’Information Awwad Al-Awwad a été remplacé par Turki Al-Chabana. Le ministre de la garde nationale, Khaled ben Abdel Aziz Al-Mogren, a, quant à lui, été remplacé par le prince Abdallah Ben Bandar. Le prince Sultan Ben Salman, ancien astronaute qui était en charge du tourisme, a été nommé à la tête d’une agence saoudienne de l’espace nouvellement créée, un poste équivalent à celui de ministre.
« MBS consolide son pouvoir »
Par ailleurs Turki Al-Cheikh, un proche du prince héritier, a été muté de la direction de l’agence chargée des sports à celle des loisirs, un domaine où le prince héritier, MBS, a voulu illustrer ses ambitions réformatrices en rendant possible l’autorisation des concerts et la réintroduction du cinéma dans le royaume. Le roi Salman a également procédé à de nombreux changements de gouverneurs de province, de hauts fonctionnaires et a remplacé un certain nombre de membres du Majlis al-Choura, une assemblée consultative.
Pour Ali Shihabi, à la tête de la Fondation Arabia, souvent présentée comme proche du pouvoir saoudien, ce remaniement renforce MBS. Il a estimé sur Twitter que ces changements allaient « consolider son pouvoir », une bonne partie des nouveaux arrivants figurant parmi ses « alliés-clés ».
Le remaniement n’a pas touché les postes liés à l’économie. Il intervient à la suite de l’annonce le 18 décembre d’un budget 2019 tablant sur un déficit à hauteur de 35 milliards de dollars, dans le rouge pour la sixième année consécutive en raison des prix bas du pétrole. Riyad, dont l’économie reste extrêmement dépendante des exportations d’or noir, prévoit des recettes globales de 260 milliards de dollars, principalement tirées des revenus pétroliers.
Les autorités saoudiennes ont indiqué à l’occasion de l’annonce de ce budget que la croissance avait atteint 2,3 % du produit intérieur brut (PIB) en 2018, un net rebond après une contraction de 0,9 % en 2017. Ryad table sur une croissance de 2,6 % en 2019. Mais un rapport du cabinet d’experts Capital Economics publié le 20 décembre a jeté le doute sur la capacité du royaume à atteindre cet objectif.
Arabie Saoudite : comment Mohammed Ben Salman a pris le pouvoir
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