Travaux sur papier, estampes : les collectionneurs français sont réputés prêter peu d’attention à ce type d’œuvres, à l’inverse de ce qui se passe en Allemagne et dans le nord de l’Europe. Regrettable indifférence face à des modes de création qui se prêtent particulièrement bien à l’expérimentation, ce qui se vérifie ici. Pas une toile, mais des lithographies qui ont été si entièrement retravaillées par l’artiste qu’elles sont devenues des œuvres nouvelles et différentes. Accrochées ensemble, elles paraissent une suite de photogrammes tirés d’un film, mais d’un film qu’il aurait dessiné et colorisé, sans le secours d’aucun appareil. Il montrerait quelques plans du passage d’une ou deux femmes – ou la même dédoublée – et d’un homme à travers un paysage qui s’émiette, où les ombres transpercent les troncs des arbres et où l’eau et le ciel sont faits de la même matière. Une matière si fragile qu’elle se déchire et laisse voir le vide derrière elle. Cette séquence est précédée d’une suite de gouaches où courent, se croisent ou se heurtent des figures juste indiquées par des gris ou du noir, ce qui fait à nouveau penser à la photographie ou au cinéma, au négatif d’une pellicule légèrement surexposée. Le regard doit s’arrêter le temps nécessaire pour comprendre ce qu’il voit, bribes d’un récit dont on ne saura ni le début ni la fin.

« Latona 2 » (2018), de Marc Desgrandchamps, lithographie. / FABRICE GIBERT / GALERIE LELONG, PARIS

« Latona », de Marc Desgrandchamps. Galerie Lelong, 13, rue de Téhéran, Paris 8e. Du mardi au vendredi, de 10 h 30 à 18 heures ; le samedi, de 14 heures à 18 h 30. Jusqu’au 20 janvier 2019.