Les électeurs congolais vont choisir entre vingt et un candidats pour succéder à Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001. / BAZ RATNER / REUTERS

Les bureaux de vote ont ouvert ce matin en République démocratique du Congo (le pays est à cheval sur deux fuseaux horaires) ce dimanche 30 décembre. Les 40 millions d’hommes et femmes appelés aux urnes doivent choisir un nouveau président, qui succèdera à Joseph Kabila au pouvoir depuis 2001. Le plus grand pays de l’Afrique sud-saharienne (2,3 millions de kilomètres carrés) pourrait connaître sa première transmission démocratique et pacifique du pouvoir depuis des décennies. Mais le scrutin se tient dans un climat tendu. Des élections législatives et provinciales ont lieu dans le même temps. Les résultats sont attendus le 6 janvier.

  • Les candidats

Ils sont vingt et un mais trois se démarquent. D’abord, l’ex-ministre de l’Intérieur (de fin 2016 à février 2018) et « dauphin » de Joseph Kabila Emmanuel Ramazani Shadary, aujourd’hui secrétaire du parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD). Le politicien de 58 ans est dans le collimateur de l’Union européenne (il a l’interdition d’y voyager, ses avoirs financiers sont gelés) depuis mai 2017 en raison de son rôle dans la répression de manifestations de l’opposition fin 2016. Félix Tshisekedi a pris le relais de son père Etienne Tshisekedi, décédé l’an dernier, comme principale figure de l’opposition, à la tête de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). Il s’est désolidarisé le mois dernier de Martin Fayulu, homme d’affaires de 62 ans et au départ candidat unique de l’opposition. Il a passé deux décennies au sein de la compagnie pétrolière Exxon Mobil. Un sondage le donne largement en tête. Le nombre élevé de candidats pourrait toutefois diluer les voix de l’opposition et profiter à Shadary.

  • Le spectre de la violence

Martin Fayulu et Félix Tshisekedi ont tous les deux refusé de signer samedi soir l’ « acte pour la paix », un document dans lequel ils se seraient engagés à rejeter toute violence. Les deux hommes estiment que le texte ne tient pas compte de leurs demandes relatives à la gestion des bulletins de vote (comptage manuel, présence des observateurs électoraux à tous les stades du dépouillement). « Nous avons compris que la Céni (la commission électorale nationale indépendante) et le FCC (coalition de la majorité) ne sont pas pour des élections crédibles et transparentes  », a expliqué le directeur de campagne de Félix Tshisekedi, Vital Kamerhe.  « Des inquiétudes planent encore sur nos têtes et la peur couve dans nos coeurs », a déclaré l’archevêque de Kinshasa, Mgr Fridolin Ambongo alors que catholiques et protestants ont manifesté samedi matin pour demander des élections pacifiques. Une association de défense des droits de l’homme assure qu’une dizaine de personnes ont été tuées pendant la campagne. Le police a prévenu qu’elle limiterait l’accès aux centres des votes dimanche soir. Les frontières du pays resteront fermées. Le scrutin a été reporté dans trois zones (Beni, Butembo et Yumbi), victimes d’Ebola ou de violences communautaires. Plus d’un million d’électeurs ne pourront pas voter dans ces régions, vues comme des bastions de l’opposition.

  • Un manque de transparence ?

C’est ce que craint l’opposition. Le pouvoir a refusé toute aide logistique des Nations unies et la présence d’observateurs européens ou américains. Le représentant de l’UE en RDC a même été sommé de quitter le pays jeudi. Des centaines d’observateurs africains et 67 journalistes étrangers (selon la Céni) suivront toutefois cette journée électorale. L’inquiétude concerne la « machine à voter », un écran tactile. Il n’est pas dit qu’elle soit présente dans les 80 000 bureaux de vote du pays. Selon plusieurs démocrates contactés vendredi par l’agence Reuters, seulement 60% environ du matériel électoral seraient prêts. L’élection de dimanche, prévue fin 2016, a été repoussée trois fois, officiellement en raison d’un manque de moyens. Le vote du 23 décembre a été reporté d’une semaine après un incendie dans un entrepôt de la Céni à Kinshasa qui avait détruit 77% de l’équipement nécessaire pour l’organisation du scrutin dans la capitale.

En images : au Congo, une semaine d’attente depuis le report des élections

  • Joseph Kabila confiant

Le président en place ne brigue pas un troisième mandat successif puisque la Constitution le lui interdit. « J’ai l’intime conviction que tout va bien se passer dimanche », a-t-il confié au Monde, admettant que « des violences post-électorales ne sont pas à exclure, mais la menace sécuritaire est sous contrôle ». A 47 ans, M. Kabila n’a pas forcément dit adieu au pouvoir. Il pourrait se présenter en 2023 et une victoire de Emmanuel Ramazani Shadary lui permettrait de rester actif en coulisses.