Jazz créole : 2018, une année cross-over
Jazz créole : 2018, une année cross-over
Par Yannick Le Maintec
Le jazz et la salsa vous propose de découvrir sa sélection des albums de jazz créole qui ont marqué l’année 2018.
Sélection jazz créole 2018, par le blog Le jazz et la salsa. / LE JAZZ ET LA SALSA
Quint’up, hard bop aux faux airs caribéens
Tous les mardis au Baiser Salé, le pianiste Mario Canonge et le contrebassiste Michel Zenino improvisent sur les standards. Ca fait douze ans que ça dure, presqu’une institution. Ils ont même un festival où ils invitent leurs copains. Ce sont peut-être ces collaborations qui leur ont donné des envies de quintet. Sur ses propres compositions, le duo accompagné d’Arnaud Dolmen à la batterie, Ricardo Izquierdo au sax et Josuah Woodson à la trompette, développe une belle mécanique hard bop aux accents caribéens.
Mario Canonge & Michel Zenino : Quint’Up (Aztec Music)
Le sax mystique de Jacques Schwarz-Bart
Le titre du nouvel album de Jacques Schwarz-Bart lui vient d’un rabbin qui lui avait dit un jour : “Quand vous jouiez, vos notes étaient comme les paroles d’une prière. Vous étiez comme un hazzan sur votre saxophone”. Par quel miracle cette exploration de la tradition liturgique juive s’inscrit-elle dans la continuité du précédent Jazz Racines Haïti ? La rythmique afro-caribéenne emmenée par Grégory Privat (piano), Stéphane Kerecki (basse) et Arnaud Dolmen (batterie) y est certes pour beaucoup, mais cela tient avant tout à un Jacques Schwarz-Bart toujours plus mystique.
Jacques Schwarz-Bart : Hazzan (Enja & Yellowbird Records)
Tricia Evy entre biguine et jazz
Elle swingue, swingue, swingue, Tricia Evy dans Usawa, son troisième album dont le titre signifie équilibre en swahili. Avec l’aide de son complice de longue date, le pianiste David Fackeure, du magnifique contrebassiste Pierre Boussaguet et du violoncelliste classique Michaël Tafforeau, la chanteuse de la rue des Lombards (Elle fait les beaux soirs du Baisé Salé) enchante entre swing et biguine, et nous fait fondre sur les biguines.
Tricia Evy : Usawa (Tricia Evy)
Le blues du ka
« Antilles Méchant Bateau, un low tempo aux faux airs de boléro, en fait un pur coup de blues et un terrible solo de saxophone. » Dans les notes d’Antilles Méchant Bateau, Jacques Denis raconte comment les musiciens guadeloupéens des années 60 ont puisé leur identité dans la mémoire de l’esclavage et le tambours ka. Une première digression dans cette sélection de fin d’année qui permet de replacer la musique antillaise dans sa perspective historique.
Antilles Méchant Bateau (Born Bad Records)
Les histoires caribéennes de Samy Thiébault
Son sax semble faire écho à celui d’Antilles Méchant Bateau. Samy Thiébault est parti à l’exploration, et « pas à fond de cale » (dixit Christiane Taubira), des grandes et petites Antilles afin d’en ramener la substantifique moelle. Calypso, valse, merengue, chachachá, son, boléro sont autant d’inspirations pour le bel équipage (Hugo Lippi, Ralph Lavital, Fidel Fourneyron, Felipe Cabrera, Inor Sotolongo, Arnaud Dolmen). Plus que tout, Samy Thiébault a su en préserver l’indispensable mélancolie.
Samy Thiébault : Carribean Stories (Gaya Music)
Le Creole bass de Dowdelin
La présence ici de Dowdelin pourrait sembler incongrue -on est à la limite du hors-sujet !-. S’il fallait ranger Dowdelin dans une boîte, on serait bien ennuyé. On peut parler sans trop se tromper de musique électronique et de chansons en créole. La musique du trio est innovante, riche, définitivement caribéenne. Elle s’inscrit pleinement dans un panorama placé sous le signe du cross-over et de la transmission. Depuis Antilles Méchant Bateau jusqu’à Carnaval Odyssey ou Caribbean Stories, que de perspectives pour le chaudron caribéen.
Dowdelin : Carnaval Odyssey (Underdog Records)
Un Colombo généreux et épicé
En 2015 dans Bel Air for Piano, Hervé Celcal faisait la synthèse du bèlè de la Martinique et du jazz. Trois ans plus tard, le pianiste poursuit ses explorations musicales en ajoutant de nouveaux ingrédients, comme l’invocation des tribus indiennes exploitées et décimées ou celle des sons de La Nouvelle Orléans. Un festin intelligent qui nous dit que danse sans conscience n’est que ruine de l’âme.
Hervé Celcal : Colombo (Ting Bang)
Retour aux sources pour Mario Canonge
2018, année faste pour un Mario Canonge inspiré. Le pianiste martiniquais revendique fort et haut son identité. Zouk Out est le résultat d’une démarche inédite : une proposition basée sur la rythmique zouk tout en restant fidèle à la structure piano/basse/batterie. Pour cela, le pianiste s’est entouré de Michel Alibo et Arnaud Dolmen et a fait appel à de nombreux invités comme le brésilien Adriano Tenorio aux percussions ou Ralph Thamar au chant. Mario Canonge n’en finit plus de marquer cette musique de son empreinte. Vite, vite, la suite !
Mario Canonge : Zouk Out (Aztec Music)
MizikOpéyi, le jazz créole grand format
Comment ne pas être enthousiaste à l’écoute du nouvel album de MizikOpéyi. Dans Créole Big Band, l’orchestre créé par le chanteur Tony Chasseur et le pianiste Thierry Vaton trouve une nouvelle dimension. La section de cuivres a gagné en puissance, mise en valeur par des arrangements qui n’oublient pas les invités : Alain Jean-Marie, Jacques Schwarzt-Bart, Michel Alibo, Arnaud Dolmen, les frères Fanfant, Franck Nicolas, Maraca et bien d’autres. Même Tony, plus économe dans ces interventions, semble s’être bonifié. Du grand big band qui mériterait bien une résidence.
MizikOpéyi : Creole Big Band (Aztek Music)