A Paris, une difficile première année pour le nouveau Vélib’
A Paris, une difficile première année pour le nouveau Vélib’
Par Lucas Baudin
Un an après le lancement de la deuxième version du Vélib’, les objectifs de mars 2018 n’ont toujours pas été atteints : seules 1 100 stations sont ouvertes sur les 1 400 prévues.
Des centaines de Vélib’ en attente de stations d’hébergement, à Alforville, dans le Val-de-Marne, en janvier 2018. / LIONEL BONAVENTURE / AFP
En 2017, le consortium Smovengo remportait l’appel d’offres concernant le marché de la deuxième version du Vélib’, les vélos en libre-service de la Métropole du Grand Paris. Ce marché était auparavant attribué à JCDecaux. Les anciens vélos n’ont pas été réutilisés et les 1 200 stations ont dû être démontées par JCDecaux avant que Smovengo n’installe les siennes. Les travaux ont commencé en octobre 2017 mais le nouveau service n’a débuté que le 1er janvier 2018, alors que l’ancien s’arrêtait.
Un déploiement tardif et lent
Au lancement des nouveaux Vélib’, et alors que les anciens ne pouvaient plus être utilisés, seules une soixantaine de stations étaient utilisables. Smovengo promettait d’installer les autres rapidement pour que 1 400 stations soient disponibles fin mars 2018, comme prévu par le contrat. Mais fin mars, il n’y en avait finalement que 500.
Aujourd’hui, 1 100 stations sont fonctionnelles. Les communes du Grand Paris regroupées dans le Syndicat Autolib’ Vélib’ Métropole (SAVM) se sont félicitées de l’ouverture de la millième station mi-novembre. Elles espèrent maintenant que Smovengo atteindra l’objectif de 1 400 stations au premier semestre 2019, avec un an de retard.
Problèmes techniques et sociaux
Au lancement, dans les rares nouvelles stations, emprunter un vélo était compliqué, le matériel ne fonctionnant pas correctement. Et aujourd’hui encore des problèmes persistent. En cause : des problèmes logiciels mais surtout matériels.
Les nouveaux vélos ont une console électronique, qu’ils soient à assistance électrique ou non. Cette console communique par radio avec la station à laquelle le vélo est attaché pour autoriser et enregistrer un décrochage ou un accrochage. Mais la batterie de cette console ne se recharge que pour les vélos qui ne sont pas électriques, avec une dynamo activée lorsque le vélo roule. Ainsi, lorsque cette batterie est vide, le vélo ne peut plus être emprunté. Et si, en plus, les serveurs de Smovengo sont difficilement joignables, de multiples tentatives peuvent être nécessaires avant qu’un vélo se décroche, ce qui vide la batterie de la console. Ainsi, même si la batterie est chargée lorsque le vélo est accroché, elle peut se vider avant que l’opération réussisse… et le vélo reste bloqué.
Quant aux vélos électriques, ils sont rechargés sur les bornes. Mais Smovengo a rencontré des difficultés pour faire raccorder ses stations au réseau électrique. En mars 2018, le consortium accusait Enedis d’avoir plusieurs semaines de retard, ce qu’Enedis a ensuite démenti. Sans alimentation, Smovengo a mis en place des batteries pour alimenter certaines de ses stations. Ces batteries devaient être rechargées quotidiennement par un salarié de l’entreprise.
Mais mi-avril, des salariés de Smovengo se sont mis en grève, paralysant encore davantage le service. Ils revendiquaient de meilleures conditions de travail et une meilleure rémunération. Certains, anciens salariés de JCDecaux, ont beaucoup perdu lors de la transition vers la nouvelle structure. A la suite de cette grève, jugée illicite par l’entreprise, une trentaine de salariés ont été licenciés. L’affaire est toujours en cours aux prud’hommes.
Sans salarié pour changer les batteries des stations, le service a rapidement été paralysé. En mai 2018, le SAVM a sommé Smovengo de présenter un plan de sortie de crise. L’usage des vélos électriques a été suspendu, le temps de raccorder davantage de stations au réseau électrique. Ils ont été réintroduits mi-juillet.
Des sanctions et des indemnisations
Le SAVM a voté plusieurs mesures d’indemnisation des usagers, en particulier le remboursement des abonnements entre janvier et août. Le syndicat a, dans un premier temps, décidé d’infliger des pénalités de 3 millions d’euros à Smovengo pour les mois de janvier à mars. Mais Smovengo refusant de payer, il a fallu attendre le 22 décembre 2018 pour apprendre, par la voix de la présidente du SAVM, Catherine Barrati-Elbaz, dans l’émission « Parigo », que le SAVM et Smovengo étaient parvenus à un accord : les communes paieront 22 millions d’euros de moins que prévu à Smovengo – dont 8 millions d’euros représentant les pénalités.
JCDecaux perd ses recours juridiques
En mars, Smovengo accusait son prédécesseur, JCDecaux, de saboter son travail en démontant trop doucement les anciennes stations. Mais comme le note l’UFC-Que choisir, Smovengo installait moins de stations que JCDecaux n’en démontait.
JCDecaux a aussi multiplié les recours contre l’appel d’offres que Smovengo a remporté. Un dernier recours a échoué en octobre 2018 au tribunal administratif de Paris. Le SVAM s’en est félicité : s’il avait abouti, toutes les stations enfin opérationnelles auraient certainement dû être démontées en attendant qu’un nouvel appel d’offres soit fait.