« Françoise Sagan, l’élégance de vivre » : un portrait en toute subtilité
« Françoise Sagan, l’élégance de vivre » : un portrait en toute subtilité
Par Josyane Savigneau
La réalisatrice Marie Brunet-Debaines ne traite pas la romancière comme une icône de la jet-set, mais comme l’auteure raffinée qu’elle était.
Françoise Sagan sur le plateau de l’émission « Lectures pour tous », en mars 1956. / PHILIPPE BATAILLON / INA
Enfin un film qui ne traite pas Françoise Sagan (1935-2004) comme une icône de la jet-set, mais comme la romancière subtile et raffinée qu’elle était. Et qui rend un hommage constant à son élégance de comportement et de pensée. Dans son commentaire, la réalisatrice, Marie Brunet-Debaines, choisit de s’adresser directement à Sagan : « Vous publiez votre premier livre à 18 ans »… et ce qui pourrait être un procédé lassant s’adapte parfaitement à la construction du film, avec de nombreux documents, de multiples interventions de Sagan à tous les âges de sa vie et de sa création, des extraits pertinents de ses livres – notamment le très beau Avec mon meilleur souvenir, sur le jeu, la vitesse… Et, en voix off, on entend son fils, Denis Westhoff, qui a la délicatesse de sa mère. « Qu’avez-vous à nous dire, Françoise Sagan ? », demande la réalisatrice. Beaucoup de choses, si on va au-delà de la légende, qui, comme le dit Denis Westhoff, « avait phagocyté le fait qu’elle était écrivain ».
C’est l’histoire d’une fille de bonne famille, illustration parfaite du charme discret de la bourgeoisie, qui, pour se distraire, écrit un bref roman au beau titre, Bonjour tristesse, que publie René Julliard. On est en 1954, et ces histoires d’amours multiples et cruelles font scandale. Mais le livre est un succès, il reçoit le Prix des critiques.
Françoise Sagan l'élégance de vivre (extrait #1)
Durée : 00:49
La légende est née. Sagan, qui regarde tout cela avec une relative indifférence – « Les gens vous croient futile et vous êtes tranquille » –, est traduite en anglais, adaptée à Hollywood et, même pas majeure – à l’époque, c’est à 21 ans –, se retrouve avec beaucoup d’argent. Son père – selon Denis Westhoff, « un homme original qui n’avait peur de rien, de personne, et adorait ma mère » – lui conseille de tout dépenser. Elle ne se le fait pas dire deux fois, et ce sera une constante dans sa vie.
« Le malheur est indécent »
Sagan accumule les succès et passe beaucoup de temps à les fêter, avec sa « bande » – son frère Jacques, Bernard Frank, Jacques Chazot, Juliette Gréco, Annabel, Florence Malraux et quelques autres. Ce n’est pas un mariage éphémère avec l’éditeur Guy Schoeller ou un accident dont elle réchappe de peu et dont elle garde une addiction à la morphine qui vont l’arrêter et lui faire regarder l’existence comme une tragédie : « Le malheur est indécent et ne nous apprend rien. »
A travers des extraits d’entretiens filmés, dont des émissions de Bernard Pivot, des témoignages de ses amis, se dessine le portrait d’une femme qui, certes, aime les boîtes de nuit et le whisky, mais qui écrit un roman par an, des pièces de théâtre aussi – « C’est amusant parce qu’on travaille en équipe » –, et veille aux adaptations au cinéma de ses livres.
Sans se complaire dans la part d’ombre de Sagan, on n’occulte pas son usage des drogues, plus violent quand une grave pancréatite l’empêche à jamais de boire de l’alcool. On n’ignore pas son étrange rapatriement d’urgence de Colombie, où elle accompagnait le président de la République d’alors, François Mitterrand. Et on n’oublie pas, comme on le fait trop souvent, Peggy Roche, qui fut sa compagne et « une bonne fée », dont la mort, en 1991, la laissa désemparée. A Sagan, il faut laisser le dernier mot : « Oui, j’ai eu une vie de patachon. Mais de patachon travailleur. »
Françoise Sagan, l'élégance de vivre (extrait #2)
Durée : 00:39
Françoise Sagan, l’élégance de vivre, de Marie Brunet-Debaines, avec la collaboration de Denis Westhoff (Fr., 2015, 60 min). www.histoire.fr