« L’Ange » : le joli criminel de Buenos Aires
« L’Ange » : le joli criminel de Buenos Aires
Par Thomas Sotinel
Luis Ortega réinvente la carrière sanglante de Carlos Robledo Puch qui terrorisa la capitale argentine au début des années 1970.
A lire les articles de la presse argentine qui relatent la carrière criminelle de Carlos Robledo Puch, on ne reconnaîtra guère le personnage flamboyant que campe Lorenzo Ferro dans L’Ange. S’il avait fallu porter à l’écran les crimes du jeune tueur en série – il avait 20 ans en 1972 –, le film aurait été d’un sordide probablement insupportable : il faut de bonnes raisons pour mettre en scène une tentative d’assassinat sur un nourrisson, des viols d’adolescentes.
Au cinéma, Carlos Robledo Puch (il a conservé l’état-civil de son lointain modèle) sera donc, comme dans la vie, d’une beauté ambiguë, mais aussi l’exemple d’un dandysme adolescent, qui sacrifie tout – y compris les vies de ses semblables – à ses pulsions. A partir de cette trajectoire destructrice et météorique (elle a duré à peine deux ans), Luis Ortega, qui appartient, avec Pablo Trapero, Lucrecia Martel ou Daniel Burman, à la génération des cinéastes argentins de l’après-dictature, dessine en toile de fond un pays au bord du gouffre, avec, au premier plan, cette figure que la beauté et le talent provocateur de son interprète rendent tout d’abord fascinante.
Chorégraphier cambriolages, braquages et assassinats
La carrière de Carlitos, puisque c’est ainsi que sa gentille maman (Cecilia Roth) le surnomme, commence par des cambriolages sans violence. On le voit danser gracieusement dans le salon d’une luxueuse villa au son d’El extraño del pelo largo, tube pop de La Joven Guardia. Ce criminel est élégant, détaché sans que jamais metteur en scène et acteur ne poussent cette indifférence vers la psychose.
Il s’agit plutôt de chorégraphier la suite de cambriolages, braquages et assassinats qui vont suivre. Ce qui intriguait au début finit par lasser, puisque le film se refuse – sans doute sagement – à toute investigation en profondeur dans la psyché du jeune tueur, concentrant son énergie sur la reconstitution historique, la chorégraphie et le choix de chansons puisées dans la riche histoire du rock et de la pop argentins qui tiennent ici le rôle de contrepoint au crime que Martin Scorsese leur a assigné depuis Mean Streets.
Convaincu de 11 assassinats, Carlos Puch Robledo a été condamné à la détention perpétuelle après un procès contradictoire, il est toujours en prison, toujours vivant. En voyant la séquence de son arrestation, qui mobilise des dizaines de policiers (la mise en scène ridiculise cette démonstration de force), on est forcé de penser aux milliers de jeunes Argentins qui, dans les années qui suivirent, ont été appréhendés par les mêmes forces de l’ordre, pour des motifs qui n’avaient rien à voir avec le code pénal, et ont connu un sort infiniment plus terrible que celui qui attendait ce triste ange du mal.
L'Ange - Bande Annonce Officielle - UGC Distribution
Durée : 01:29
Film argentin et espagnol de Luis Ortega. Avec Lorenzo Ferro, Chino Darin, Mercedes Moran, Cecilia Roth (1 h 59). Sur le Web : ugcdistribution.fr/film/lange