Le don d’organes a baissé en 2018 après huit ans de hausse
Le don d’organes a baissé en 2018 après huit ans de hausse
Par Pascale Santi
Le recul semble, en partie, dû à l’épisode grippal qui a fortement mobilisé le personnel hospitalier au début de l’année 2017.
Après une hausse continue de huit ans, les prélèvements d’organes tels que le rein, le cœur et le foie ont baissé en 2018, d’environ 5 %. Au total, 5 781 greffes ont été réalisées, c’est 324 de moins que l’année précédente, selon des chiffres rendus publics par l’Agence de la biomédecine. Il y a eu 1 746 donneurs, soit 50 donneurs de moins par rapport à 2017, or un seul donneur permet souvent de greffer plusieurs malades.
Ce « trou d’air » au premier semestre a toutefois été atténué vers la fin de l’année. Pour l’expliquer, le professeur Olivier Bastien, responsable du prélèvement et des greffes à l’agence, évoque « la mobilisation collective, cela malgré le climat de tension sociale ». Une alerte sur ce repli avait été donnée dès octobre, la baisse atteignant même à ce moment-là 10 à 15 % dans certaines régions. L’Agence avait alors lancé deux campagnes en octobre et novembre pour mobiliser la population sur le don de rein de son vivant et le don post-mortem.
« Une inflexion inquiétante »
Dans une lettre adressée aux autorités sanitaires, dont Le Monde a eu connaissance, l’association de patients Renaloo dénonçait fin décembre 2017 « une inflexion inquiétante. Elle se conjugue à la stagnation de l’activité de greffe de donneurs vivants, qui est elle aussi préoccupante ». D’ailleurs, la baisse atteint 12 % pour les greffes de rein à partir de donneurs vivants, avec 537 greffes en 2018. « Une baisse significative », liée sans doute au modèle d’organisation de l’hôpital et une sensibilisation insuffisante de la population à cette possibilité du don vivant.
Point positif, les greffes à partir de donneurs décédés dans le cadre d’une limitation ou d’un arrêt des thérapeutiques, dites « de type Maastricht III », permises depuis 2014, ont progressé de 20 % avec 281 greffes.
Comment expliquer ce recul global ? Il semble dû à « l’épisode grippal qui a fortement mobilisé l’hôpital début 2017, notamment les services de réanimation », indique Olivier Bastien. Les équipes ont été moins disponibles pour l’activité de prélèvement, très mobilisatrice pour le personnel soignant.
« Une alerte à prendre en compte »
Une greffe étant une chaîne qui implique plusieurs services médicaux et toutes les catégories de personnel. « Mais les équipes se sont remobilisées vers la fin de l’année », ajoute le professeur Bastien. « On peut s’étonner que l’activité de greffe, priorité nationale, ne soit pas préservée même en cas d’accident sanitaire tel qu’une épidémie de grippe. Il s’agit d’une alerte à prendre en compte », s’inquiète un néphrologue francilien.
Autre raison, heureuse cette fois, la mortalité liée aux accidents vasculaires a baissé de 15 % ces dernières années. Conséquence : il y a moins de donneurs en état de potentielle mort cérébrale. Quoi qu’il en soit, ce recul n’est pas lié au changement de la loi début 2017, qui a renforcé le consentement présumé, qui veut que toute personne soit donneuse après son décès, sauf si elle a exprimé un refus de son vivant, le « taux de refus » tend à baisser. Il s’élève à 30 % en 2018. En pratique, la famille est consultée par l’équipe médicale.
Pour l’Agence de la biomédecine, « la priorisation de la greffe doit être réaffirmée, c’est une thérapeutique vitale ». Ce malgré des personnels sous tension soumis à des réductions d’effectifs, notamment à l’hôpital public. En France, plus de 57 000 personnes vivent grâce à un organe greffé.