Quelle place pour le ski freestyle en France ?
Quelle place pour le ski freestyle en France ?
Par Clément Martel
La station de Font-Romeu accueille ce week-end une étape de la Coupe du monde de ski slopestyle, seule épreuve de ski acrobatique à se dérouler en France cette année.
Après sa désillusion des Jeux olympiques, Tess Ledeux est remontée sur ses skis. / Pierre MERIMEE
Après l’absence de neige, le vent. En raison de conditions météorologiques guère propices à une compétition voyant les athlètes enchaîner les figures aériennes, l’étape française de la Coupe du monde de ski slopestyle, à Font-Romeu (Pyrénées-Orientales), a été forcée de réduire la voilure. Au lieu de se dérouler sur trois jours, la compétition a été restreinte à ses finales, samedi 12 janvier. « Des conditions un peu compliquées à gérer » pour les skieurs, admet Tess Ledeux, figure de proue de la délégation française. « En même temps, on a l’habitude de se débrouiller », poursuit la jeune femme.
Hormis lors des rendez-vous olympiques, tous les quatre ans, qui mettent la discipline sous les feux de la rampe, le ski freestyle est accoutumé à la débrouille. Acrobatique, ce sport spectaculaire englobe le slopestyle – sorte de « skatepark en ski » –, le half-pipe (« demi-lune »), le ski de bosses et le skicross. Et peine à sortir de l’ombre de son homologue alpin.
Cette année, Font-Romeu est la seule station française à organiser une étape de la Coupe du monde de ski freestyle. Pourtant, à l’entame de la saison, trois d’entre elles figuraient au programme des différentes disciplines. Mais, fin novembre, la Fédération internationale de ski (FIS) a annulé l’ouverture de la Coupe du monde de skicross à Val Thorens (les 7 et 8 décembre), faute d’enneigement suffisant. Quant au ski half-pipe, dont les finales se déroulaient à Tignes depuis plusieurs années, la station a annoncé début décembre qu’elle annulait les épreuves prévues fin mars. Une « décision difficile » justifiée par « la perte de partenaires historiques importants. »
Une dépendance aux sponsors
Dans la station savoyarde – comme souvent en freestyle –, une société privée organisait la compétition. Ladite entreprise avait mis en place un circuit, le SFR Freestyle Tour. Mais l’an passé, l’opérateur au carré rouge s’est retiré, remplacé par un autre sponsor, qui n’a pas souhaité prolonger l’expérience. « Les organisateurs n’avaient plus assez de budget pour finaliser l’événement, et ont dû annuler », regrette Fabien Bertrand, directeur du freestyle à la Fédération française de ski (FFS).
Cette dépendance aux sponsors caractérise le ski freestyle. « Sans eux, on n’est pas grand-chose, reconnaît Tess Ledeux. En France, vu que notre discipline est peu connue, la FFS ne peut pas mettre de gros moyens dessus. On a de la chance d’avoir des sponsors qui nous suivent, mais si on n’est pas très bons ou qu’on n’a pas une bonne image, c’est difficile d’être suivis par des marques. »
« L’argent, c’est le nerf de la guerre, et malheureusement on n’est pas le foot où tout le monde se bat pour te diffuser », reconnaît Fabien Bertrand. Conscient que son sport souffre d’une dépendance aux résultats olympiques – « si Tess avait été médaillée olympique, ça aurait été complètement différent. Sa notoriété aurait été multipliée par cinq ou par dix », estime-t-il –, le patron du ski freestyle français se réjouit de l’arrivée, cette année, de la chaîne L’Equipe, qui diffuse la Coupe du monde en clair, sur la TNT.
Font-Romeu a « repensé » son snowpark
« C’est par leurs bons résultats que nos champions français vont faire évoluer leur sport », assure Fabien Bertrand, prenant pour exemple le biathlon, grandement popularisé par les résultats de Martin Fourcade ; ainsi que par son passage en clair à la télévision. « Si le biathlon était resté cantonné sur Eurosport, je ne pense pas qu’il aurait la même notoriété », conclut M. Bertrand.
Après les abandons de Val Thorens – faute de neige – et de Tignes – faute de budget –, seule la station de Font-Romeu résiste cette année. Ne disposant pas des infrastructures nécessaires à l’organisation d’une compétition de haut niveau de ski alpin, la station pyrénéenne a misé sur le freestyle, et « fait des efforts d’investissement », souligne Pierre Dechonne, président du ski-club de Font-Romeu-Pyrénées 2000, organisateur de l’événement. Un nouveau snowpark a vu le jour il y a trois ans, à l’initiative de la station catalane. « On est partis d’un même constat avec les entraîneurs du pôle espoir de Font-Rome : on manquait d’infrastructures, explique Jacques Alvarez, directeur adjoint de la station. C’est avec eux qu’on a repensé le snowpark. »
Pour pouvoir prétendre à l’organisation d’une épreuve de la Coupe du monde, la station des Pyrénées-Orientales a préformé la piste de slopestyle en été, y intégrant les bosses, « de façon à pouvoir assurer l’événement même avec peu d’enneigement », poursuit Jacques Alvarez. En dépit du plus bas niveau d’enneigement recensé dans le massif pyrénéen depuis vingt-deux ans, le snowpark de Font-Romeu est opérationnel. Et la station, qui organise cette étape de la Coupe du monde depuis trois ans, aspire à la pérenniser, ce dont se réjouit la championne du monde Tess Ledeux. « Avoir une compétition à domicile est super important pour nous et nos disciplines, d’autant qu’on est souvent obligés d’aller s’entraîner à l’étranger. »
« Toujours un peu le couteau sous la gorge »
Un état de fait dû à un déficit d’infrastructures en France. « C’est sûr qu’on manque de snowparks en France, il y en a seulement un ou deux de bien pendant la saison, constate la Plagnarde. Mais ça a toujours été comme ça, donc on ne se pose même plus trop la question. »
En décembre, la championne olympique française de ski de bosses, Perrine Laffont, synthétisait l’équation à laquelle est confronté le ski freestyle en France. « Notre situation est simple : pas de résultats, pas de budget. On a toujours un peu le couteau sous la gorge. » Ce que confirme son homologue du ski slopestyle, Tess Ledeux, en le regrettant. « C’est un peu un cercle vicieux, on ne peut pas non plus progresser sans budget. Mais on se débrouille comme on peut. » La débrouille, comme une marque de fabrique du ski freestyle.