Facebook désactive des centaines de comptes « inauthentiques » actifs en Europe de l’Est et gérés de la Russie
Facebook désactive des centaines de comptes « inauthentiques » actifs en Europe de l’Est et gérés de la Russie
Par Michaël Szadkowski
Le réseau social a dévoilé deux réseaux de faux comptes actifs depuis plusieurs années et destinés à promouvoir les intérêts de la Russie dans une dizaine de pays. Plus de cinq cents comptes, ayant rassemblé en tout un million d’abonnés, ont été désactivés.
Facebook a annoncé la suppression de centaines de comptes pilotés de la Russie. / Richard Drew / AP
Les équipes de Facebook ont annoncé, jeudi 17 janvier, avoir désactivé des centaines de comptes Facebook et Instagram qui avaient été créés en Russie mais qui étaient principalement actifs ces dernières années dans plusieurs pays limitrophes d’Europe de l’Est.
Ces fermetures de comptes ont eu lieu en raison de leurs activités « inauthentiques » effectuées de manière « coordonnée », fait savoir Facebook dans un communiqué. La société de Mark Zuckerberg reproche aux administrateurs de ces comptes d’avoir créé des pages Facebook et Instagram en Russie pour diffuser du contenu dans d’autres pays sans mentionner clairement les origines et les intentions derrière la diffusion de ces messages. De telles utilisations de Facebook sont normalement interdites par les conditions d’utilisation du réseau social.
Facebook précise avoir déjoué deux opérations distinctes, mais qui présentent des modes opératoires similaires : des pages et des comptes ont été actifs dans des pays d’Europe de l’Est ou d’Asie centrale sur des thèmes variés (la météo, le sport, le voyage, les activités économiques, des personnalités politiques…), mais elles diffusaient des messages pilotés de la Russie, et pouvant servir des intérêts russes. Dans les deux cas, ces réseaux de fausses pages ont dépensé des dizaines de milliers d’euros pour diffuser des messages publicitaires, afin de promouvoir leurs messages. Toutes ces fausses pages et ces faux comptes ont rassemblé près d’un million d’abonnés Facebook, dans tous les pays concernés.
Promotion des contenus de Sputnik
La première opération comportait 289 pages et 75 comptes Facebook, créés de la Russie mais actifs dans « les pays baltes, l’Asie centrale, le Caucase, et des pays d’Europe de l’Est et d’Europe centrale ». Dans le détail : la Roumanie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Géorgie, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan, le Kazakhstan, la Moldavie, la Russie et le Kirghizistan. Plusieurs de ces faux comptes étaient liés, selon Facebook, à des employés de Sputnik, ce site lancé par l’agence de presse officielle de la Russie, Rossia Segodnia, proche du Kremlin, et diffusant des contenus dans de nombreux pays dont la France.
Un rapport du DFR Lab – un organisme de recherche de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) qui a étudié ces 364 faux comptes avant que Facebook ne communique sur leur fermeture – précise que les activités « inauthentiques » étaient surtout menées par Rossia Segodnia directement, cherchant à accroître l’audience des contenus de Sputnik. Pour ce faire ont été par exemple créées des fausses pages Facebook consacrées aux « fans de Shavkat Miromonovich » (Chavkat Mirziyoyev, le président de l’Ouzbékistan), au secteur de la mode en Biélorussie ou en Géorgie, à « ce qui rend fier » les habitants du Kazakhstan, à la présence de l’OTAN dans les pays baltes… Autant de pages qui se présentaient comme indépendantes, mais qui diffusaient prioritairement des vidéos ou des articles de Sputnik, ou d’autres messages promouvant des intérêts du Kremlin.
Exemple d’une vidéo de Sputnik diffusée à la fois sur plusieurs pages officielles Sputnik, de différents pays, mais aussi sur le réseau de fausses pages démantelées qui opéraient au Tadjikistan. / DFRLab
La recherche d’une audience nouvelle pour des contenus originalement créés par Sputnik semble cependant être le projet prioritaire de ce réseau de faux comptes Facebook. L’enquête du DFR Lab, qui a duré plusieurs mois, a ainsi conduit à faire parler sur le sujet le rédacteur en chef de Sputnik en Lettonie, qui travaille de Moscou. En novembre 2018, il a assumé le fait que Sputnik pilotait une partie de ces pages, et qu’il s’agissait, selon lui, d’une « promotion habituelle de contenus sur les réseaux sociaux », qui n’étaient pas de nature à enfreindre les règles de diffusion « sur Facebook, en Lettonie ou en Russie ». Ce à quoi Facebook lui a donné tort, avec la fermeture des fausses pages de ce réseau de « promotion » actives en Lettonie.
Des activités suspectes en Ukraine
Le second réseau de faux comptes dévoilé par Facebook se focalisait sur l’Ukraine. Il comprenait 107 pages, comptes ou groupes Facebook, et 41 comptes Instagram, dont les publicités ont couru entre janvier et décembre 2018. Selon Facebook, qui dit avoir appris l’existence de ce réseau grâce à des informations fournies par les autorités américaines, ces comptes étaient présentés comme originaires d’Ukraine, et postaient des messages sur de nombreux sujets : « des informations locales, la météo, des manifestations, l’OTAN, ou les conditions de santé dans les écoles ».
Les exemples donnés par Facebook, à travers des captures d’écran de photos légendées en langue ukrainienne, montrent par exemple des équipements militaires arborant le drapeau américain. Les textes des légendes évoquent, entre autres, le retrait américain de Syrie, des critiques contre la qualité de l’eau du robinet dans la ville de Jitomir (Ukraine occidentale), ou encore les récentes tensions survenues entre la Russie et l’Ukraine en mer d’Azov. Ceci dans un contexte où la crise profonde entre la Russie et l’Ukraine n’a pas connu de répit pendant l’année 2018, durant laquelle ces comptes ont été actifs.
Exemple fourni par Facebook concernant les fausses publications diffusés en Ukraine. / Facebook
« Nous avons identifié des procédés techniques qui recoupent les activités menées de Russie dans les mois qui ont précédé les élections de mi-mandat aux Etats-Unis, ce qui inclut des comportements similaires à ceux menés par l’Internet Research Agency (IRA) », écrit aussi Facebook dans son communiqué. L’IRA, un organisme de propagande en ligne lié aux autorités russes, est notamment à l’origine des campagnes de propagande menées aux Etats-Unis dans le cadre de l’élection américaine de 2016 qui ont promu, sur les principaux réseaux sociaux utilisés par les Américains, des messages favorisant Donald Trump.