« Droit à l’oubli » : victoire emblématique d’une chirurgienne néerlandaise
« Droit à l’oubli » : victoire emblématique d’une chirurgienne néerlandaise
Une chirurgienne qui avait été sanctionnée par l’Ordre des médecins a obtenu d’un tribunal le déréférencement de pages la concernant.
Les bureaux de Google à New York, le 18 janvier. / MIKE SEGAR / REUTERS
Une chirurgienne néerlandaise a, finalement, obtenu d’un tribunal qu’il contraigne Google à supprimer certaines pages de ses résultats de recherche lorsque l’on tape le nom de cette médecin, selon le Guardian, lundi 21 janvier.
Cette décision intervient après plusieurs procédures, qui illustrent toute la complexité du « droit à l’oubli ». La chirurgienne avait, en effet, été suspendue par l’Ordre des médecins des Pays-Bas pour des soins inappropriés apportés à un patient après une opération. Elle avait fait appel de cette décision, avait obtenu gain de cause et avait donc conservé son droit d’exercer la médecine avec une période de sursis. Mais son nom continuait de figurer sur un site non officiel qui compile une « liste noire » de médecins néerlandais, et qui apparaît parmi les premiers résultats lorsque l’on tape son nom sur Google.
Comme le prévoit le droit européen, la chirurgienne avait alors fait une demande de déréférencement auprès du moteur de recherche ; depuis 2014, tout ressortissant de l’Union peut demander, sous certaines conditions, que des pages le concernant soient exclues des résultats de recherche, plus particulièrement lorsque les informations qui y figurent sont diffamatoires, périmées ou révèlent des informations personnelles.
Google avait estimé que les informations contenues sur la page étaient d’intérêt public, d’autant plus que la période de sursis était encore en cours. Le régulateur de la vie privée des Pays-Bas, compétent pour les recours, était parvenu à la même conclusion. La chirurgienne avait alors porté plainte pour faire valoir son dossier.
Intérêt personnel et intérêt public
Dans sa décision, prise en 2018 mais rendue publique la semaine dernière seulement, le tribunal comprenait l’intérêt légitime de la médecin à ce que « son nom ne soit pas instantanément associé à une liste noire de docteurs à chaque fois que son nom [était] tapé dans Google », et que cet intérêt était « supérieur à l’intérêt du public de pouvoir découvrir cette information de cette manière ». La liste noire reste accessible dans Google ; seul son affichage lorsque l’on tape le nom de la chirurgienne sera bloqué.
Cette décision a entraîné d’autres demandes de la part de médecins. « Il y a un comité de discipline [de l’Ordre des médecins], mais c’est Google qui a été le juge jusqu’à présent. Pourquoi sont-ils dans cette position ? », a commenté l’avocat de la chirurgienne, interrogé par le Guardian.
Depuis 2014, le champ d’application exact du « droit au déréférencement », souvent appelé « droit à l’oubli », a fait l’objet de vifs débats. Un long contentieux oppose notamment la CNIL, le gendarme de la vie privée français, à Google. La CNIL demande à ce que les résultats soient purgés au niveau mondial, dans toutes les déclinaisons locales du moteur de recherche ; Google considère que le droit européen ne lui impose de le faire que sur la version nationale du moteur (google.fr en France, par exemple). L’avocat de la Cour de justice de l’Union européenne a rendu, ce 10 janvier, ses conclusions, plutôt favorables à Google, sur ce point, en attendant une décision finale.