Loi sur la prostitution : la décision du Conseil constitutionnel attendue le 1er février
Loi sur la prostitution : la décision du Conseil constitutionnel attendue le 1er février
Par Solène Cordier
Les juges du Conseil constitutionnel ont entendu mardi les arguments des deux parties, lors de l’examen d’une question prioritaire de constitutionnalité sur la loi de 2016.
L’audience devant les juges du Conseil constitutionnel a duré près de deux heures et demie, mardi 22 janvier. Le temps nécessaire à l’exposé des arguments développés par les requérants de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur la loi de 2016 sur la prostitution ainsi qu’à ceux de ses défenseurs. Pas moins de dix-sept avocats se sont succédé à la barre, représentant les deux parties, avant que le représentant du secrétariat général du gouvernement présente ses observations défendant, comme c’est l’usage, la constitutionnalité de la loi.
Les requérants, qui regroupent neuf associations – dont Médecins du monde et le Syndicat du travail sexuel (Strass) – ainsi qu’une trentaine de travailleurs du sexe avaient saisi en novembre le Conseil d’Etat, qui a renvoyé la question au Conseil constitutionnel. Ils soulèvent la non-conformité du texte avec le droit au respect à la vie privée, à la liberté d’entreprendre et au principe de nécessité et de proportionnalité des peines. C’est la pénalisation des clients, mesure phare de la loi, qui est dans leur viseur.
« C’est une mauvaise loi, qui isole et précarise les personnes prostituées », a déclaré en préambule Patrice Spinosi, l’avocat de plusieurs requérants. « Mais c’est aussi une loi mauvaise juridiquement et constitutionnellement », a-t-il ajouté. Et cela à plusieurs titres, selon l’avocat, qui a critiqué le présupposé désignant les prostituées comme nécessairement victimes de leur condition. La « loi morale » d’avril 2016 oublie, « à côté des victimes des réseaux, le nombre substantiel de personnes qui revendiquent avoir leur libre arbitre pour l’exercice de cette activité », a-t-il défendu. « Pour être cohérent, le législateur aurait dû interdire la prostitution, mais il s’est arrêté au milieu du gué », selon Me Spinosi, qui a dénoncé une « schizophrénie juridique » consistant à « interdire le recours à une activité pourtant licite ».
« La prostitution est une violence »
En face, l’avocat du Mouvement du nid, la principale association abolitionniste française, a salué les « progrès majeurs » permis par la loi. « La prostitution est une violence et ce sont les clients qui créent une demande sur laquelle reposent les réseaux, a argumenté Cédric Uzan-Sarano. Le message normatif, et non moral, envoyé en 2016 par le législateur est le suivant : on ne veut pas d’une société où on peut acheter la sexualité et le corps d’autrui. »
A ses côtés, l’avocat de la Coalition pour l’abolition de la prostitution (CAP) a tenu à souligner que « la réalité de la prostitution, c’est une vie de contraintes et de douleurs, dans l’immense majorité du temps brève », évoquant un taux de suicide douze fois supérieur à celui de la population générale. La loi « a permis aux prostituées d’accéder à un droit de séjour, ainsi qu’à une aide financière et à un parcours de sortie », a-t-il insisté, invitant les juges constitutionnels à ne pas remettre en cause ces acquis. La décision sera rendue le 1er février.