Mal-logement : pourquoi l’Etat a recours à une filiale de La Poste pour gérer des dossiers
Mal-logement : pourquoi l’Etat a recours à une filiale de La Poste pour gérer des dossiers
Par Isabelle Rey-Lefebvre
Le président de la Cour des comptes a appelé, lundi, l’Etat à être plus efficace dans la mise en œuvre locale de sa politique du logement.
Dans un référé publié lundi 21 janvier, le président de la Cour des comptes, Didier Migaud, appelle l’Etat à être plus efficace dans la mise en œuvre locale de sa politique du logement. Les compétences entre direction départementale de la cohésion sociale (DDCS), direction régionale de l’environnement de l’aménagement et du logement (DREAL) et direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) sont, selon M. Migaud, trop cloisonnées. Les DDTM suivent, en effet, la programmation et la production de logements, tandis que la DDCS s’occupe de l’attribution des logements sociaux et du relogement des publics prioritaires, sans coordination entre elles. Didier Migaud donne en exemple l’Ile-de-France qui a fusionné DDCS et DDTM en une seule direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement (DRIHL).
1 300 dossiers en retard
Au détour d’une phrase, le document révèle que, faute de fonctionnaires, l’Etat externalise différentes tâches pourtant régaliennes. Ainsi, les dossiers des candidats au droit au logement opposable (DALO), qui donne en principe priorité à un relogement, sont instruits par Docapost. Cette filiale de La Poste a, selon nos informations, obtenu, à l’été 2014, ce marché d’un million d’euros par an, pour sept des huit départements d’Ile-de-France. Ses employés – dix à temps plein rien que pour la Seine-Saint-Denis – préparent les dossiers et, surtout, émettent un pré-avis avant examen par la commission de médiation, qui tranche. Docapost assume donc un rôle crucial tant pour les bénéficiaires que pour l’Etat qui peut, lui, se voir condamné à des amendes et astreintes s’il ne reloge pas les bénéficiaires du DALO dans les délais prévus. « On sent une pression de l’Etat pour ne pas accorder trop de DALO, et un prestataire extérieur rémunéré y est plus sensible que les agences d’information du logement, auparavant chargées de ce travail », témoigne Jean-François Le Néen, de la fondation Abbé-Pierre, qui a siégé dix ans, jusqu’en 2018, dans les commissions d’Ile-de-France.
En 2018, la commission de médiation de Seine-Saint-Denis a, à elle seule, examiné 14 500 dossiers au rythme de 300 à 400 en une demi-journée, chaque semaine. Son président bénévole, Philippe Sandevoir, estime le travail des juristes de Docapost « plutôt bien fait. Je préférerais que l’Etat assume ses fonctions régaliennes, mais comme il n’affectera jamais le nombre suffisant de fonctionnaires, je préfère cette solution ». Dans le Rhône aussi, où les commissions de médiation avaient accumulé 1 300 dossiers en retard, Docapost a, en 2016, été appelée à la rescousse. La Cour des comptes conclut que le manque de moyens des DDCS, qui peinent à assurer l’ensemble de leurs missions, aboutit à « une fragilité préoccupante ». Le premier ministre, qui a répondu à ces observations le 14 janvier, semble approuver l’idée d’une réorganisation des services mais reste muet sur ce dernier point.