Le cas Rabiot à l’aune du droit du footballeur
Le cas Rabiot à l’aune du droit du footballeur
Par Rémi Dupré (avec Alexandre Pedro)
La commission juridique de la Ligue de football professionnel a adressé, mardi, au club de la capitale un avertissement lui demandant de réintégrer le joueur au sein de l’effectif professionnel.
Depuis vendredi 18 janvier, Adrien Rabiot, 23 ans « s’entretient » avec la formation B du PSG. / FRANCK FIFE / AFP
Adrien Rabiot sera-t-il réintégré au sein de l’effectif professionnel du Paris-Saint-Germain dans les jours à venir ? C’est ce que la commission juridique de la Ligue de football professionnel (LFP) a demandé au club de la capitale, mardi 22 janvier, en lui adressant un avertissement.
La veille, le milieu de terrain formé au PSG avait saisi ladite commission après avoir été mis à l’écart du groupe professionnel et envoyé s’entraîner avec l’équipe réserve, pensionnaire de Nationale 2 (4e division). Depuis vendredi 18 janvier, le joueur de 23 ans « s’entretient » avec la formation B du PSG.
Mis au ban par son employeur depuis mi-décembre 2018 pour son refus de prolonger son contrat, qui expire en juin, l’international français (6 sélections) a donc décidé d’amener son cas sur le terrain juridique. Contacté par Le Monde, l’entourage de Rabiot n’a pas souhaité commenter cette procédure. « « Nous avons pour règle de ne pas communiquer sur nos dossiers » répond Me Arnaud Péricard, l’avocat du milieu de terrain.
Que dit le règlement ?
En saisissant la commission juridique de la LFP, qui a rappelé au PSG le règlement en vigueur, Rabiot s’appuie sur l’article 507 de la Charte du football professionnel, en vertu duquel, « sauf raison médicale, le club ne saurait maintenir aucun joueur sous contrat professionnel (…) à l’écart du dispositif mis en place au sein du club pour la préparation et l’entraînement collectif des joueurs professionnels ou élites. »
En outre, la relégation d’un joueur professionnel dans un deuxième groupe d’entraînement est prévue, mais « doit s’effectuer de manière temporaire pour des motifs exclusivement sportifs liés à la gestion de l’effectif ».
De surcroît, les dirigeants parisiens n’ont pas respecté un autre aspect du règlement. Alors que les « pros » et l’équipe réserve du PSG s’entraînent sur deux sites bien distincts à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), la direction du club devait demander une dérogation pour « pouvoir bénéficier d’un second groupe d’entraînement » dans un autre lieu.
Alors que le PSG souhaite vendre Rabiot, ciblé par le FC Barcelone, d’ici au terme du mercato hivernal (du 1er au 31 janvier), ce bras de fer renvoie la direction parisienne à sa quête d’un milieu défensif en cette période d’emplettes.
De son côté, l’entraîneur parisien Thomas Tuchel, en porte-à-faux avec cette décision, se garde bien de commenter la « décision du club » de mettre à l’écart l’international français.
« Là où le PSG se met à la faute c’est quand Antero Henrique (le directeur sportif du PSG) dit en décembre : « Rabiot ne veut pas prolonger, alors il ne jouera plus et restera sur le banc pour une durée indéterminée », développe-t-on à l’UNFP. La compétition, c’est l’outil de travail du joueur. Si le PSG n’est pas exemplaire, que vas-tu dire à des clubs comme Amiens ou Tours ? »
Le « cas Rabiot » est-il un cas isolé ?
A l’Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP), le syndicat des joueurs, on considère que le cas Rabiot est représentatif « d’une tendance à la mode » qui pourrait concerner près d’un footballeur professionnel sur dix en France. « C’est un moyen de pression alors que la notion de mise au placard est interdite », indique-t-on à l’UNFP.
A Toulouse, on peut citer l’exemple du défenseur Jean-Clair Todibo, 19 ans. Révélation du début de saison, le joueur a été écarté du groupe depuis novembre 2018 pour avoir refusé de signer son premier contrat professionnel avec son club formateur.
Ce choix est assumé par le président du club, Olivier Sadran. Depuis, Todibo alterne entre les entraînements de l’équipe réserve et des moins de 19 ans et attend de rejoindre librement, en juillet, le FC Barcelone.
Comment les précédents Luyindula et Ben Harfa au PSG s’étaient-ils conclus ?
Ce n’est pas la première fois que le PSG engage un tel bras de fer avec l’un de ses joueurs. En 2012, l’attaquant Peguy Luyindula avait été réintégré au groupe professionnel parisien par l’entraîneur italien Carlo Ancelotti après avoir été écarté et eu gain de cause, en novembre 2011, devant la commission juridique de la LFP.
Désireux de quitter librement le PSG au terme de son contrat et ainsi de priver son employeur d’indemnités de transferts, Rabiot se retrouve dans la même situation que son ex-coéquipier Hatem Ben Arfa (HBA), lequel a été contraint de mettre sa carrière sportive en suspens lors de son passage au club parisien (2016-2018).
A l’été 2017, la direction du PSG avait fait part de son souhait de voir « HBA », sous contrat jusqu’en juin 2018, faire ses valises. Selon le clan Ben Arfa, la rupture aurait été consommée après la visite de l’émir du Qatar et propriétaire du PSG, Tamim Al-Thani, au centre d’entraînement de Saint-Germain-en-Laye le 8 avril 2017. Ce jour-là, le joueur aurait glissé au souverain, sur un ton goguenard, qu’il était plus aisé de lui parler qu’à Nasser Al-Khelaïfi, peu disponible. Cette remarque aurait froissé le président du club et scellé la disgrâce du joueur.
En septembre 2017, la tension était montée d’un cran lorsque les dirigeants du PSG avaient envoyé le joueur s’entraîner avec l’équipe réserve, en lice dans le championnat amateur. Jean-Jacques Bertrand avait saisi alors la commission juridique de la LFP.
Réintégré dans un premier temps dans le groupe professionnel, « HBA » avait par la suite été expédié à nouveau en réserve. Cette guerre des nerfs avait duré jusqu’au 17 octobre : le joueur avait alors été définitivement autorisé à s’entraîner avec l’effectif d’Unai Emery.
Le 14 novembre 2017, « HBA », auditionné par la commission juridique de la LFP, avait prôné « l’apaisement ». « Le PSG a tenté d’utiliser une forme d’alternance entre des phases où on le mettait en équipe réserve et d’autres où on le faisait revenir parmi les pros pour prétendre que ce n’était pas définitif mais seulement temporaire », expliquait à l’époque au Monde Me Bertrand. Sur le plan moral, il y a un préjudice incontestable : faire perdre à un joueur de 30 ans une année de compétition en lui demandant de méconnaître le contrat qu’il a, ce n’est quand même pas très loyal. »
Après avoir pris son mal en patience, Ben Arfa s’était engagé librement à Rennes, en septembre 2018. Privant ainsi le PSG d’indemnités de transferts.