Des jeunes manifestants montrent des pancartes où est inscrit « faire des études ? Mais pour quel avenir sur la Terre ? » ou « le climat change, pourquoi pas nous ? », le jeudi 24 janvier, à Bruxelles. / NICOLAS MAETERLINCK / AFP

Ils étaient trois mille le 10 janvier, près de treize mille le 17 et trente-cinq mille, selon un comptage de la police, jeudi 24, à Bruxelles : le mouvement dit des « grèves scolaires pour le climat » prend une ampleur totalement inattendue en Belgique. Pour leur troisième journée d’action, les collégiens, lycéens et étudiants ont bloqué pendant près de trois heures le centre de la capitale belge, en manifestant pacifiquement aux cris de « chauds, chauds, on est plus chauds que le climat ! ».

Que réclament-ils ? « Une autre politique, ou plutôt une vraie politique. J’espère que ma présence ici y aidera », dit Basile, qui a délaissé ses cours à Nivelles, en Wallonie, bénéficiant de la tolérance du directeur de son établissement. « Plus les politiques se désintéressent de la jeunesse, plus la jeunesse s’intéresse à la politique », commente Maxime Michiels, le président de la Fédération des étudiants francophones (FEF), qui a appelé à répondre à l’appel du groupe Youth for Climate.

Anuna de Wever, l’une des deux jeunes Flamandes qui ont lancé le mouvement, se réjouit qu’un message sur Facebook ait, cette fois, mobilisé massivement des jeunes de Bruxelles et de Wallonie. « Le climat est le problème de toute une génération, la politique doit apporter des réponses », souligne la jeune lycéenne de Gand, qui balaie ainsi la question des traditionnelles divisions linguistiques du royaume.

Galvanisés par la jeune suédoise Greta Thunberg

Un message de l’activiste suédoise Greta Thunberg envoyé depuis Davos, où elle était l’invitée du sommet économique, a galvanisé les manifestants belges. Elle a qualifié de « héros » ces jeunes – parfois très jeunes – qui scandaient des slogans drôles ou graves. Sur leurs panneaux on pouvait notamment lire « Si je sèche les cours, c’est parce que l’eau monte », « je n’ai pas d’argent pour aller vivre sur la Lune » ou « il n’y a pas d’économie sur une planète morte ».

Le président américain, Donald Trump, était une cible de choix, mais les revendications visaient aussi directement les responsables politiques belges, et ces quatre ministres de l’environnement (un au fédéral, trois dans les régions), dont les désaccords ont abouti à ce que leur pays n’approuve pas le plan censé mettre l’Union européenne en ligne avec les objectifs de l’accord de Paris

« Quatre ministres, zéro politique », disait un slogan. « Plus de 70 000 personnes ont marché le 2 décembre pour demander une politique climatique et sauver notre génération, mais le monde politique ne fait rien, c’est désespérant », commente Guillaume, un lycéen de Bruxelles qui se promet de revenir la semaine prochaine. Avec le renfort des étudiants des universités, qui auront clôturé leur session d’examens. Il espère aussi que l’appel de Greta Thunberg à une grève scolaire internationale le 15 mars sera entendu.

Une nouvelle mobilisation aura lieu dimanche 27 janvier, à l’initiative du « collectif citoyen » Rise for Climate Belgium. Affirmant réunir la gauche et la droite, soutenu par Greenpeace, le mouvement entend faire pression sur le monde politique avant les élections fédérales, régionales et européennes du 26 mai. Il espère prolonger l’impact du défilé du 1er décembre, qui était, quant à lui, organisé par la Coalition Climat, rassemblement de syndicats, d’organisations de consommateurs et de défense de l’environnement plus « classiques ».

L’unité des structures régionales pour le climat

Une autre structure encore, la branche belge du groupe Extinction Rebellion, né au Royaume-Uni, prône des actions plus musclées de désobéissance civile. « Radical », lui aussi, un collectif de jeunes baptisé Tam-Tam prône une action « en profondeur » contre les causes – et pas seulement les symptômes – du dérèglement climatique. En Flandre, une action de Curieuze neuzen, une expression populaire qui désigne les curieux un peu trop insistants, a abouti à la plus grande enquête mondiale – 20 000 participants, avec autant de capteurs – sur la réalité de la pollution de l’air.

Ces différentes actions se rejoignent, en tout cas, pour réclamer la fin des querelles entre les régions, une action publique forte et coordonnée, des lois et des budgets adaptés et la fin des subventions aux énergies fossiles. Problème : le gouvernement est en « affaires courantes », après une crise sur le thème de la migration qui a entraîné la démission des ministres de l’Alliance néoflamande (N-VA, nationaliste), en décembre 2018. Le pouvoir politique sera donc paralysé jusqu’à la mise en place d’une nouvelle coalition.

Le mouvement des jeunes en faveur du climat résistera-t-il jusque-là ? « Il m’étonnerait qu’il devienne structurel, explique dans le quotidien De Morgen, le chroniqueur et professeur de philosophie Maarten Boudry. Beaucoup de jeunes croient que de bonnes intentions et une volonté politique suffiront à sauver le monde, ce n’est hélas pas le cas. La réalité et que le problème climatique est extrêmement complexe. »

Le professeur juge toutefois que « les politiques ne pourront pas simplement nier la protestation en cours ». D’autant moins, sans doute, que diverses enquêtes d’opinion prédisaient, avant le début du mouvement déjà, une forte progression du courant écologiste, chez les électeurs les plus jeunes notamment.