Des partisans du président Maduro participent à une manifestation pour le soutenir, le 23 janvier 2019 à Caracas, capitale du Venezuela. / LUIS ROBAYO / AFP

Il compte désormais sur l’appui de l’armée. Le président vénézuélien, Nicolas Maduro, espérait, jeudi 24 janvier, que ses forces militaires allaient contrecarrer le soutien d’une partie de la communauté internationale apporté à Juan Guaido, président du Parlement contrôlé par l’opposition, qui s’est autoproclamé mercredi « président » par intérim. Ce dernier a, en effet, immédiatement été reconnu par les Etats-Unis et leurs alliés dans la région.

Le gouvernement de M. Maduro a fait savoir que le ministre de la défense, le général Vladimir Padrino Lopez, et les commandants militaires régionaux allaient apporter leur « appui au président constitutionnel » et à « la sauvegarde de la souveraineté » du pays. Mercredi, l’armée, soutien indéfectible de M. Maduro, avait déjà rejeté l’autoproclamation de Juan Guaido, 35 ans :

« L’armée défend notre Constitution et est garante de la souveraineté nationale. »

Le gouvernement compte également sur la Cour suprême qui devrait se réunir jeudi. Peu avant la proclamation de M. Guaido, la plus haute juridiction du pays, composée de fidèles au régime, avait annoncé avoir ordonné une enquête pénale contre les membres du Parlement en les accusant d’usurper les prérogatives du président.

Le Parlement a approuvé mardi une promesse d’« amnistie » aux militaires qui refuseraient de reconnaître le nouveau mandat de Maduro, défiant la Cour suprême, laquelle a déclaré nulles toutes ses décisions.

La communauté internationale divisée

Nicolas Maduro a été investi, le 10 janvier, pour un deuxième mandat, contesté par l’opposition et non reconnu par les Etats-Unis, l’Union européenne et de nombreux pays d’Amérique latine – situation qui divise la communauté internationale.

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a demandé un « dialogue » pour empêcher une « escalade menant à un conflit qui serait un désastre pour la population du pays et pour la région ». L’Union européenne a, elle, appelé à écouter la « voix » du peuple du Venezuela et a réclamé des élections « libres et crédibles », tandis que Madrid estimait que des élections sont « l’unique » solution « possible ».

De son côté, le président français, Emmanuel Macron, a salué jeudi dans un tweet « le courage des centaines de milliers de Vénézuéliens qui marchent pour leur liberté » face à « l’élection illégitime de Nicolas Maduro » et assuré que l’Europe soutenait « la restauration de la démocratie ».

Positions opposées pour Washington et Moscou

Le président américain, Donald Trump, suivi par plusieurs alliés latino-américains dont le Brésil et la Colombie, a reconnu officiellement, mercredi, M. Guaido comme « président par intérim du Venezuela ». M. Maduro a immédiatement annoncé la rupture des relations diplomatiques avec Washington, donnant 72 heures à ses représentants diplomatiques pour quitter le pays.

Le secrétaire général de l’Organisation des Etats américains (OEA), Luis Almagro, a assuré à Juan Guaido « sa reconnaissance pour impulser le retour de la démocratie dans ce pays ». Outre le Brésil et la Colombie, neuf autres pays membres du groupe de Lima ont dit reconnaître M. Guaido : Argentine, Canada, Chili, Costa Rica, Guatemala, Honduras, Panama, Paraguay et Pérou.

Moscou, en revanche, a critiqué la position des pays occidentaux. Nicolas Maduro est le « président légitime » du Venezuela, a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, dénonçant « l’usurpation de pouvoir » par l’opposition. Tout comme le Mexique qui a maintenu son soutien à M. Maduro. Cuba a fait, quant à lui, part de son « ferme soutien » face à une « tentative de coup d’Etat ». Et le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a téléphoné à M. Maduro pour le soutenir.

Plusieurs morts dans les manifestations

Mercredi, jour anniversaire de la chute de la dictature de Marcos Perez Jimenez en 1958, M. Guaido avait lancé devant des dizaines de milliers de partisans anti-Maduro à Caracas :

« Je jure d’assumer formellement les compétences de l’exécutif national comme président en exercice du Venezuela pour parvenir à un gouvernement de transition et obtenir des élections libres. »

Dans la nuit de mercredi à jeudi, des foyers de protestation persistaient dans des quartiers populaires comme Petare, dans l’est de Caracas, après deux jours de manifestations meurtrières d’opposants et partisans du président socialiste Maduro.

La Commission interaméricaine des droits de l’homme a décompté seize morts pour la seule journée de mercredi. De son côté, l’Observatoire vénézuélien des conflits sociaux (OVCS) a dénombré treize morts en deux jours depuis mardi. Les manifestations de 2017 qui ont fait 125 morts sont encore dans toutes les mémoires dans ce pays producteur de pétrole en pleine débâcle économique.

Dans le monde, des milliers de Vénézuéliens exilés ont manifesté, mercredi, dans les capitales latino-américaines ainsi qu’à Madrid, New York ou Washington dans l’espoir d’une chute prochaine de M. Maduro.