La moitié des Européens considèrent que l’antisémitisme est un problème dans leur pays
La moitié des Européens considèrent que l’antisémitisme est un problème dans leur pays
Par Martin Greenacre
Plus du tiers des personnes interrogées dans une vaste étude pensent que la haine des juifs a augmenté dans leur pays en cinq ans.
Manifestation contre l’antisémitisme, à Berlin, le 25 avril 2018. / Henning Kaiser / AP
La moitié des Européens considèrent que l’antisémitisme est un problème dans leur pays, selon un rapport Eurobaromètre présenté par la Commission européenne mardi 22 janvier. Le sondage, basé sur des entretiens avec plus de 27 000 personnes dans les 28 pays de l’Union, révèle des disparités de perception de l’antisémitisme entre les différents pays. Ainsi 72 % des Français – un des taux les plus elevés du continent – considèrent que l’antisémitisme est un problème dans leur pays, contre 6 % des Estoniens ou 10 % des Portugais.
Les perceptions diffèrent aussi entre Européens juifs et non-juifs. Selon l’enquête, 36 % des Européens estiment que l’antisémitisme est en hausse dans leur pays lors des cinq dernières années. Ce chiffre s’élève à 48 % parmi ceux qui ont des amis ou des connaissances juifs. Mais les juifs européens sont beaucoup plus inquiets : 89 % constatent une hausse, selon les résultats d’un autre sondage publié en décembre 2018 par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA), mené auprès des juifs dans douze pays de l’Union.
« Pas bien informés » sur l’histoire des juifs
En comparant les résultats des deux enquêtes, le fossé apparait encore plus évident dans certains endroits. Seulement 22 % des Espagnols affirment que l’antisémitisme est un problème chez eux, par exemple, par rapport à 78 % des juifs espagnols.
Robin Sclafani, directrice de l’ONG bruxelloise Contribution juive pour une Europe inclusive (CEJI), y voit l’échec de l’éducation : « En réduisant l’éducation sur les juifs à la seule Shoah, nos systèmes éducatifs ne parlent pas du rôle extrêmement positif et important que les Juifs ont joué en Europe. » Les deux tiers des sondés ont jugé que les gens dans leur pays « ne sont pas bien informés » sur l’histoire, les coutumes et les pratiques des Juifs.
La situation française est particulièrement inquiétante avec des manifestations d’antisémitisme perçues plus fréquentes qu’ailleurs, selon le sondage. 84 % des Français affirment ainsi que la profanation de cimetières juifs est un problème dans leur pays, et 83 % les agressions physiques contre les juifs.
C’est d’ailleurs cohérent avec le rapport de la FRA, qui affirmait que 58 % des juifs français ont peur d’être victimes d’agression physique dans les douze prochains mois, le pourcentage le plus élevé parmi les douze pays étudiés. Ce chiffre diffère en partie de la réalité des agressions, puisque 22 % des juifs français affirmaient avoir été victimes d’agression physique ou verbale dans les douze derniers mois, en dixième position des pays sondés. Les juifs polonais étaient ceux qui disaient avoir subi le plus d’agressions (32 %).
Conflit israélo-palestinien
Plus de la moitié des Européens (54 %) estiment que le conflit israélo-palestinien a une influence sur la perception des juifs. Mais ce chiffre cache de fortes disparités géographiques. « En Europe occidentale, en raison de la diversité démographique et politique, l’antisémitisme est exprimé de façons beaucoup plus variées, autour du conflit au Proche-Orient, par exemple, explique Robin Sclafani, de la CEJI. Tandis qu’en Europe de l’Est, l’antisémitisme a tendance à se manifester d’une manière plus conforme aux traditions de l’extrême droite. »
Dans ce contexte, certains juifs s’inquiètent de leur sécurité. Selon le rapport FRA de décembre 2018, 38 % ont déjà pensé à quitter l’Europe. « Quand les juifs ont quitté l’Europe dans le passé, cela n’a jamais été un bon signe de l’état de l’Europe », a dit mardi la commissaire chargée de la justice, Vera Jourova, présentant le nouveau rapport Eurobaromètre au Musée juif de Bruxelles, où quatre personnes ont été assassinées en 2014.