Le sport français attend encore des dirigeantes
Le sport français attend encore des dirigeantes
Par Adrien Pécout
Malgré une loi pour l’égalité et quelques progrès, les femmes sont encore peu nombreuses au sein des fédérations, et à leur tête.
Une seule femme dirige une fédération d’un sport olympique : Isabelle Spennato-Lamour, pour l’escrime. / PATRICK KOVARIK / AFP
La photographie est trompeuse. La conférence permanente du sport féminin a réuni une majorité de femmes au ministère des sports de Roxana Maracineanu, lundi 28 janvier, à Paris. Au quotidien, ce collectif dresse pourtant un tout autre constat : celui de la sous-représentation féminine dans les instances dirigeantes des fédérations sportives du pays. Le sujet avance lentement, depuis août 2014 et la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.
Dorénavant, dans les fédérations où les femmes représentent un quart des licences ou davantage, au moins 40 % des sièges dans les instances dirigeantes doivent leur revenir. Dans les fédérations où la pratique féminine constitue moins d’un quart des licences, l’obligation dans les instances descend à 25 %. Ce calcul vaut aussi pour les hommes, dans l’éventualité inverse, comme en équitation ou dans les sports de glace.
La grande majorité des fédérations jouent déjà le jeu. D’autant que la loi a ménagé une forme de sursis lors pour « leur premier renouvellement des instances » : en ce cas précis, le texte a autorisé les organisations avec plus d’un quart de licenciées à placer moins de 40 % de femmes dans leurs instances, pour peu que la proportion de dirigeantes égale celle des pratiquantes.
Seules huit des cent treize fédérations sportives agréées ne se trouvent toujours pas en conformité avec la loi, indique au Monde le ministère. Des structures aux réalités diverses : celles de surf (futur sport olympique), de course camarguaise, de ski nautique, de giraviation, de sauvetage et secourisme, de jeu de paume, de sport en milieu rural, ainsi que l’Union nationale des clubs universitaires. En théorie, l’infraction pourrait entraîner jusqu’au retrait de l’agrément ministériel. Mais, pour l’heure, elle entraîne plutôt de simples rappels à l’ordre.
Conséquence de la loi, la proportion des femmes dans les instances dirigeantes des fédérations a déjà connu une hausse : elle est passée de 26,5 % en 2013 à 34,8 % en juin 2017, qu’il s’agisse de conseils d’administration ou de conseils fédéraux. Le chiffre reste toutefois inférieur à celui de la pratique sportive : en 2017, les femmes représentaient 38,3 % des licences, contre 37 % en 2012 ; un pourcentage lui-même largement inférieur à leur place dans l’ensemble de la population française…
Une seule femme à la tête d’une fédération d’un sport olympique
A la présidence d’une « fédé » sportive, ne figurent aujourd’hui que quatorze femmes, soit à peine une de plus qu’en 2013. Et encore, seule l’une d’entre elles dirige une fédération d’un sport olympique : Isabelle Spennato-Lamour, pour l’escrime. Le ministère recense aussi quatorze directrices techniques nationales (DTN), chargées d’organiser la pratique de leurs sports respectifs sur tout le territoire. « Je prends le poste pour être la DTN tout court, pas seulement celle des filles, précise Christine Duchamp, qui occupe cette fonction à la Fédération française de hockey sur glace depuis ce mois-ci. Mais, vous imaginez bien que le dossier de la féminisation de la pratique me tient aussi à cœur. » D’abord DTN adjointe, l’ancienne hockeyeuse a pris « le temps de se sentir légitime » : « En sport ou ailleurs, quand on est une minorité de femmes dans une assemblée d’hommes, il peut paraître plus dur de s’exprimer, de prendre la parole. »
Un document de travail ministériel, dont Le Monde a pris connaissance, atteste d’une évolution – encore timide – d’autres fonctions dirigeantes. C’est le cas des trésorières, en augmentation entre 2013 et 2017 (de 15 à 25), ainsi que des secrétaires générales (de 25 à 30). Le décompte fait aussi état de 18 % de femmes parmi les 1 590 postes de cadres techniques sportifs en 2017, autrement dit 1 % de plus qu’en 2012.
Emmanuelle Bonnet-Oulaldj, elle, copréside (avec un homme) la Fédération sportive et gymnique du travail. « Tant que des inégalités entre les hommes et les femmes perdurent dans la société, estime-t-elle, ça ne permettra pas vraiment de responsabiliser des femmes à des postes de dirigeantes sportives. Plus elles auront des métiers précaires, plus elles auront des responsabilités domestiques, moins elles pourront s’engager dans des fédérations. » A méditer avant les Jeux olympiques 2024 à Paris.